Littérature

L’identité tiraillée – sur Les Nétanyahou de Joshua Cohen

Critique

Au croisement du campus novel et du récit historique retraçant le développement du sionisme et de ses différents courants, Les Nétanyahou de Joshua Cohen prend pour point de départ un épisode anecdotique de l’enfance de Benyamin Netanyahou – un entretien d’embauche passé par son père pour un recrutement à l’université de Yale – et explore à travers celui-ci les paradoxes existentiels et les conflits de l’identité juive-américaine.

La réputation de Joshua Cohen n’est plus à faire outre-Atlantique depuis la parution de ses deux premiers gros livres, non-traduits en français, Witz (2010), centré sur les péripéties du dernier juif sur terre – « Le seul de sa tribu », avait alors titré le New York Times – ou Book of Numbers (2015), dépeignant la relation d’un nabab du numérique, nommé Joshua Cohen, avec son prête-plume ou écrivain fantôme, porteur du même nom.

En France, trois ouvrages plus minces et moins intraduisibles ont été publiés, Le paradis des autres (2014), Votre message a été envoyé (2018) et David King s’occupe de tout (2019), confortant l’engouement américain.

De passage à Paris en janvier, Joshua Cohen, coiffé d’un bonnet noir et tout emmitouflé dans un splendide manteau en astrakan, offert par un ami lointain qui lui a même envoyé une photo de la bête morte pour l’occasion… Joshua Cohen court d’interviews en lectures, de conférences en séances-photos.

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La reconnaissance au sommet est toutefois venue de celui qui, pendant un demi-siècle, a été tenu pour LE mentor et plus grand professeur de littérature anglaise à l’université de Yale, Harold Bloom, ami des géants de son siècle tels que Saul Bellow, Toni Morrison, Don DeLillo ou Cormac McCarthy, et décédé en 2019 à l’âge de 89 ans.

Environ un an avant sa mort, Harold Bloom avait invité Joshua Cohen chez lui. Intitulée « Des histoires comme prière », la conversation entre les deux hommes fut publiée dans la Los Angeles Review of Books, précédée d’une émouvante introduction de Cohen qui décrivait son voyage de New York jusqu’à New Haven, méditait sur la figure du jeune disciple rendant visite au vieux maître, évoquait celle de Nathan Zuckermann à l’écrivain E.I. Lonoff dans L’écrivain des ombres de Philip Roth, ou celle, dans une nouvelle yiddish de Martin Buber, d’un élève du « Maggid de Mezeritch », rabbin fondateur du hassidisme au XVIIIe siècle, trouvant la paix dans le visage de ce dernier. C’est ce que Cohen avait éprouvé


Béatrice Pire

Critique, Maîtresse de conférences-HDR en littérature américaine

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