Cinéma

Lav Diaz : « Je veux émanciper mon cinéma d’une longueur contrainte, imposée par l’industrie et le marché »

Journaliste

Figure essentielle du cinéma philippin, Lav Diaz a réalisé son quinzième film La Saison du diable, livrant à nouveau une œuvre profonde et originale (sortie mercredi en salles). Rencontre avec un artiste érudit, virtuose du cinéma en noir et blanc, qui dévoile ses secrets de création.

Même s’il est encore loin d’avoir conquis toute la notoriété qu’il mérite, pas à pas Lav Diaz ne cesse de confirmer l’immensité de son talent, et d’élargir la reconnaissance qui accompagne une œuvre déjà considérable. À 59 ans, signataire de 15 films en 20 ans, et deux ans après le Lion d’or au Festival de Venise pour l’admirable La Femme qui est partie, le cinéaste philippin a présenté en compétition au Festival de Berlin une nouvelle œuvre exceptionnelle, La Saison du diable.

Dans le noir et blanc somptueux qui caractérise la plupart de ses réalisations tout autant que leur longue durée, celui qui se confirme comme un des plus grands cinéastes contemporains évoque la terreur exercée par les milices dans les campagnes à l’époque du dictateur Marcos, mais en se référant clairement aussi à l’actuel homme fort de son pays, Rodrigo Duterte. Renouvelant sans cesse son écriture cinématographique, Lav Diaz invente un conte fantastique construit autour de songs, chants a capella par lesquels les principaux personnages expriment leurs émotions, proclament leur engagement ou commentent les événements. La sortie en salles le 25 juillet de La Saison du diable est l’occasion de faire le point avec lui à la fois sur ce film très singulier et sur l’ensemble de son parcours.

Vous êtes nés à Mindanao, une île des Philippines dont le nom est attaché à une longue histoire insurrectionnelle, qu’elle soit autonomiste, révolutionnaire ou islamiste. Dans quelle mesure cette origine a-t-elle influé sur votre parcours ?
J’ai été témoin de ces affrontements, des combats des habitants de l’île, de la répression extrêmement violente qui a mené à la radicalisation d’une partie des habitants. L’origine de tous ces mouvements de révolte est évidente, c’est la misère, une misère atroce. Elle est toujours là. Il s’y ajoute des affrontements entre communautés, entre religions, attisés par les pouvoirs en place. Mais la cause essentielle ne change pas.

La Saison du diable n’est toutefois pas sit


[1] Ancienne ministre de la Justice sous la présidence de Benigno Aquino, elle a été jetée en prison le 24 février 2017 pour son opposition ouverte à l’actuel dirigeant, dont elle avait dénoncé les pratiques déjà lorsqu’il était maire de Davao.

[2] Le film a été tourné après le passage dévastateur du typhon Durian dans la région de Bicol au sud de l’île de Luçon en novembre 2006. Il mêle fiction et documentaire en accompagnant un poète longtemps exilé, à la recherche du corps de ses proches et qui retrouve amis d’enfance et fantômes du passé.

[3] Le 1,33 ou 4/3 est le format du cinéma à l’origine, de tous les formats d’image au cinéma celui où l’écran est le moins large.

Jean-Michel Frodon

Journaliste, Critique de cinéma et professeur associé à Sciences Po

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Notes

[1] Ancienne ministre de la Justice sous la présidence de Benigno Aquino, elle a été jetée en prison le 24 février 2017 pour son opposition ouverte à l’actuel dirigeant, dont elle avait dénoncé les pratiques déjà lorsqu’il était maire de Davao.

[2] Le film a été tourné après le passage dévastateur du typhon Durian dans la région de Bicol au sud de l’île de Luçon en novembre 2006. Il mêle fiction et documentaire en accompagnant un poète longtemps exilé, à la recherche du corps de ses proches et qui retrouve amis d’enfance et fantômes du passé.

[3] Le 1,33 ou 4/3 est le format du cinéma à l’origine, de tous les formats d’image au cinéma celui où l’écran est le moins large.