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La tradition émergente de la diplomatie climatique

Diplomate

La diplomatie climatique est un produit tardif du XXe siècle dont la tradition est en voie d’invention. Dans « l’ère des conséquences » du réchauffement du climat, une diplomatie singulière s’élabore à mesure que les périls tragiques se révèlent concrets et universels. Loin d’une conventionnelle gestion de crise, elle relève d’un champ assujetti à l’impossibilité d’un armistice. Cet article propose d’esquisser un ordre climatique fondé sur l’expérience de cette diplomatie émergente et pressée.

La zone la plus froide de la planète a connu un épisode de variabilité climatique jamais enregistré. En mars 2022, la station franco-italienne Concordia, située dans l’Est de l’Antarctique, a mesuré un record de chaleur qui dépassait de 36°C les relevés moyens. La cryosphère montre une réaction de plus en plus vive au réchauffement du climat. Les conséquences en sont connues, comme le sabotage des villes côtières, des variations de températures compromettant les récoltes mondiales, ou le dégel du pergélisol et son cortège de catastrophes en chaîne. Mais puisqu’il est soit trop tôt, soit scientifiquement insuffisamment fondé d’en référer comme un signal du changement climatique, cet événement n’apparaît pas au registre de l’actualité diplomatique.

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Inversement, certains événements typiques du ressort des chancelleries ne récupèrent pas le label « d’événement climatique » qui pourrait leur être dû. Pour le seul mois de janvier 2022, pouvait être noté, entre autres, que les États-Unis annulaient leur soutien financier au gazoduc EastMed au profit de la Grèce en raison d’un « Green agenda », que des révoltes au Kazakhstan, désormais surnommées « Bloody January », avaient fait suite à la fin des subventions publiques au gaz de pétrole liquéfié, que pour sanctionner la junte militaire au pouvoir la CEDEAO suspendait tout passage frontalier vers la Mali à l’exception des produits pétroliers, que Total Énergies se retirait de Birmanie en raison de la dégradation des droits humains, ou que la police israélienne et des bédouins s’étaient affrontés au sujet d’un projet d’afforestation dans le désert du Néguev.

L’irruption du climat dans les affaires internationales est une question architectonique. Elle échappe aux représentations conventionnelles des diplomates, pourtant férus d’étiquettes. Il faudra toujours rappeler que « l’interétatisme » est par nature impropre à réguler le phénomène de l’effet de serre. Il n’y a pas d’interlocuteur légitime principal. Pourtant,


[1] Cet article de Bruno Latour est depuis devenu un « Imprimé » d’AOC, associé à un article en écho de Naomi Klein, ce petit livre est disponible en librairie ou directement auprès d’AOC, en cliquant ici

[2] GIEC, Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability, 28 février 2022

[3] Je me fie ici au chapitre de Pierre Charbonnier, intitulé « Le grain et le marché », où l’on peut lire les lignes suivantes : « C’est au XVIIIe siècle que commence à véritablement prendre forme l’alliance entre liberté et croissance qui a structuré une bonne partie de la modernité politique et dont nous vivons actuellement les derniers jours. (…) Le XVIIIe siècle est en effet le moment où l’une des croyances politiques les plus puissantes et les plus durables que l’histoire ait fait émerger prend son élan et commence à orienter les symbolisations et les pratiques politiques dominantes en Occident. Celle-ci consiste à établir un lien de renforcement mutuel entre la conquête de la prospérité par l’optimisation des dispositifs de production et la protection des droits individuels et collectifs par la limitation de l’arbitraire politique. » in Abondance et liberté. Une histoire environnementale des idées politiques, La Découverte, 2020, p.89.

[4] Théorie alternative à « l’effondrement », vue fataliste et univoque, en raison de l’incertitude et de la pluralité sous-tendues par l’idée de basculement telle qu’énoncée par l’historien Jérôme Baschet, in Basculements. Mondes émergents, possibles désirables, La Découverte, 2021.

[5] Jean Racine, Préface de Phèdre, 1677.

[6] Achakulwisut et Erickson, « Trends in fossil fuel extraction: Implications for a shared effort to align global fossil fuel production with climate limits », SEI Working Paper, 2021.

[7] Welsby et al., « Unextractable fossil fuels in a 1.5°C world », Nature, 2021.

[8] Agence internationale de l’énergie, Net Zero by 2050, Paris, 2021.

[9] Programme des Nations unies pour l’environnement, Production Gap Report, 2021, p.1

Jourdain Vaillant

Diplomate

Mots-clés

Climat

Notes

[1] Cet article de Bruno Latour est depuis devenu un « Imprimé » d’AOC, associé à un article en écho de Naomi Klein, ce petit livre est disponible en librairie ou directement auprès d’AOC, en cliquant ici

[2] GIEC, Climate Change 2022: Impacts, Adaptation and Vulnerability, 28 février 2022

[3] Je me fie ici au chapitre de Pierre Charbonnier, intitulé « Le grain et le marché », où l’on peut lire les lignes suivantes : « C’est au XVIIIe siècle que commence à véritablement prendre forme l’alliance entre liberté et croissance qui a structuré une bonne partie de la modernité politique et dont nous vivons actuellement les derniers jours. (…) Le XVIIIe siècle est en effet le moment où l’une des croyances politiques les plus puissantes et les plus durables que l’histoire ait fait émerger prend son élan et commence à orienter les symbolisations et les pratiques politiques dominantes en Occident. Celle-ci consiste à établir un lien de renforcement mutuel entre la conquête de la prospérité par l’optimisation des dispositifs de production et la protection des droits individuels et collectifs par la limitation de l’arbitraire politique. » in Abondance et liberté. Une histoire environnementale des idées politiques, La Découverte, 2020, p.89.

[4] Théorie alternative à « l’effondrement », vue fataliste et univoque, en raison de l’incertitude et de la pluralité sous-tendues par l’idée de basculement telle qu’énoncée par l’historien Jérôme Baschet, in Basculements. Mondes émergents, possibles désirables, La Découverte, 2021.

[5] Jean Racine, Préface de Phèdre, 1677.

[6] Achakulwisut et Erickson, « Trends in fossil fuel extraction: Implications for a shared effort to align global fossil fuel production with climate limits », SEI Working Paper, 2021.

[7] Welsby et al., « Unextractable fossil fuels in a 1.5°C world », Nature, 2021.

[8] Agence internationale de l’énergie, Net Zero by 2050, Paris, 2021.

[9] Programme des Nations unies pour l’environnement, Production Gap Report, 2021, p.1