Politique

Stratégie de croissance et asphyxie des services publics de protection sociale

Economiste , Politiste

Les difficultés à recruter des enseignants et des soignants sont devenues patentes. Cette situation catastrophique est le résultat direct de la mise en œuvre d’une stratégie générale du low cost et de la baisse des coûts du travail. Alors que d’autres pays ont opté pour une compétitivité « hors coûts » basée sur la qualité et l’innovation, s’appuyant donc sur l’éducation et la recherche, la France a choisi la voie de la concurrence en prix au milieu de gamme, face à des pays émergents contre les prix desquels elle ne pouvait pas lutter.

publicité

Le 13 mai dernier, les résultats d’admissibilité au concours de recrutement des professeurs des écoles sont tombés. Avant même la fin du processus, on sait qu’au moins 946 postes sur les 1 430 ouverts dans l’académie de Versailles ne seront pas pourvus, et au moins 558 sur les 1 079 ouverts dans l’académie de Créteil. Par ailleurs, le collectif inter-hôpitaux recense les services d’urgence fermés temporairement pour manque de personnels : le 18 mai par exemple, 21 services étaient fermés à travers tout l’hexagone.

Ces éléments d’actualité ne sont pas fortuits ou purement conjoncturels, ils sont la conséquence de la stratégie française de croissance fondée sur le low cost et la baisse du coût du travail pour faire face à la désindustrialisation. L’analyse de la trajectoire des réformes françaises de la protection sociale et de son financement, ainsi que de son positionnement en comparaison internationale (ce que nous faisons dans notre livre Les femmes, les jeunes et les enfants d’abord, investissement social et économie de la qualité) permet de mieux comprendre les graves difficultés actuelles des services publics.

La Sécurité sociale, de vecteur de croissance à coupable idéal

La Sécurité sociale s’est construite sur le rejet d’un système social qui se limiterait à l’assistance envers les plus pauvres. Il s’agissait de généraliser les assurances sociales préexistantes, dans une optique étroitement associée à l’essor de l’économie industrielle.

Destinée notamment à garantir la continuité du revenu des ouvriers, cela a permis de soutenir la consommation, d’assurer une meilleure santé des salariés et une stabilité de la main d’œuvre qui bénéficiaient grandement aux employeurs. La croissance économique des Trente Glorieuses a été soutenue par la croissance des dépenses sociales dans le cadre du compromis keynésien qui caractérisait alors les relations entre politiques économiques et sociales.

Notre système de Sécurité sociale a fortement contribué au progrès s


Clément Carbonnier

Economiste , Maître de conférence à l'Université de Cergy-Pontoise, co-directeur de l'axe « Politiques socio-fiscales » du LIEPP (Sciences Po)

Bruno Palier

Politiste, Directeur de recherche du CNRS