Citer le monde à comparaître – à propos de Coda de Jacques Drillon
L’auteur du livre dont il est ici question, Jacques Drillon, est mort le jour de Noël de l’année dernière. Il avait 67 ans. Le lecteur ne peut l’ignorer, et sa lecture en sera, non pas modifiée, mais rendue plus (ou autrement) attentive, gagnant en gravité, peut-être en interrogations… Le mot Coda, qui donne son titre à ce dernier livre, posthume donc, signifie, en musique, finale, conclusion, dernière partie… Le sous-titre du livre indique son genre : « Essai autobiographique ». Il fait suite, d’une manière informelle, à un autre livre appartenant au même genre, Cadence, paru, toujours chez Gallimard, en 2018. Du vivant de l’auteur, donc.

Amateur et grand connaisseur de musique classique – il fut longtemps critique pour différents journaux – Drillon définissait ce terme de « cadence » à la première page de son livre : c’est aussi une fin, mais qui, elle, peut être répétée, « comme si la chose ne voulait pas se terminer, ou se terminait plusieurs fois, ce qui revient au même, à la manière de ces artistes qui multiplient leurs tournées d’adieu ». D’ailleurs, à la dernière page de Cadence, Drillon annonçait, par l’indication « Fin du premier tome », une suite. La voici, et il n’y en aura point d’autres.
Avec une organisation un peu différente des chapitres et des thématiques, Coda complète et prolonge donc Cadence. Le livre est fait d’une suite de souvenirs, de réflexions et observations diverses, de digressions et de raisonnements bien calculés, sur ce passé dont Jacques Drillon gardait, semble-t-il, une vive et pugnace mémoire. « Défendre le passé, écrit-il, devient un combat politique autant que philosophique. »
S’il fallait définir de quel côté se situe le combat en question, le mieux serait de reprendre cette formule vigoureusement synthétique d’Emmanuel Berl, citée dans les premières pages du volume : « Séparé de la droite par mon dégoût de la bêtise, et de la gauche par mon dégoût du mensonge. » Mais il a aussi besoin de la ranger cette mémoire, de la