Rachid Taha, libre chanteur
Il paraît indécent que le nom de Rachid Taha, disparu en septembre 2018 à l’âge de 59 ans, puisse s’effacer sournoisement des mémoires sans laisser la moindre trace. Cette hypothèse d’un oubli définitif du chanteur franco-algérien reste cependant peu probable vu l’importance de sa musique, ce rock arabisant à l’effronterie punk qui, même fort peu diffusé, conserve en ces temps où mixage et hybridation sonore sont devenus la norme, une suprême antériorité. Quant à la portée de certaines chansons – Voilà Voilà, Tékitoi, ou l’adaptation, plus amer que douce, du Douce France de Charles Trenet avec son groupe Carte de Séjour –, elle ne pourrait être plus effective alors que les crispations identitaires qu’elles révèlent n’ont jamais été aussi fortes dans notre pays.

Artiste le plus politique de l’histoire de la chanson française, fut-elle en langue arabe, Rachid Taha se devait de refaire surface d’une manière ou d’une autre. Et avant qu’une campagne de rééditions ne soit lancée, c’est chose faite avec deux expositions. L’une à la Galerie Dauphine du Marché aux puces de Saint-Ouen se veut un hommage essentiellement visuel comprenant des œuvres plastiques, graphiques et photographiques signées Marc-Antoine Serra, Pierre Terrasson, Robert Combas, Myriam Mechita mais aussi Brian Eno et Alan Vega. Intitulée « Rock El Casbah », en référence au titre du groupe Clash que Rachid a repris en 2004, l’expo initiée par le photographe et sculpteur Philippe Perrin choisit l’angle artistique pour cerner un personnage à la complexité assumée et revendiquée, dont le rôle de révélateur des questions liées à l’immigration fut déterminant dans la France postcoloniale.
Plus didactique (mais plus ludique aussi notamment avec la mise à disposition d’un karaoké), « Douce France », inaugurée à l’automne 2021 à Guingamp puis installée au Musée des Arts et Métiers à Paris, et prochainement à Marseille et Lyon, reconstitue le parcours musical de cette immigration maghrébine depuis la fin d