La Tunisie face à l’abîme
C’était en janvier 2011. Dans la frénésie des premiers jours de la révolution tunisienne, fleurissaient dans la presse internationale les superlatifs pour vanter cet évènement qui enluminait une région plongée la veille encore dans la pénombre de régimes dictatoriaux en décrépitude. Neuf mois plus tard, au terme d’une élection pourtant conforme aux standards internationaux, nombreux étaient les observateurs à critiquer l’issue d’un scrutin dont le parti musulman conservateur Ennahdha était sorti vainqueur.

« Il faudra une génération », prédisait alors le chercheur Jean-Pierre Filiu, lucide au milieu des contempteurs pressés de dénoncer un hypothétique « hiver islamiste » à venir. Une génération. 25 ans. Nous sommes voilà à peine à mi-parcours, et déjà la parenthèse démocratique menace de se refermer.
Ce texte constitutionnel ratifié en 2014 promettait à la Tunisie des lendemains meilleurs, solidement assis sur la foi de principes inattaquables.
Attentats terroristes, pressions internationales, blocages de l’Assemblée, assassinats d’opposants politiques, guerres aux frontières, crise économique et menace de défaut de paiement… Depuis 2011, nombreux sont les périls qui ont pesé sur la transition démocratique tunisienne. Cette fois-ci, l’estocade vient du sommet de la pyramide. De Kaïs Saïed, ce président sans parti élu en 2019 à la surprise générale. Un président qui, lentement mais sûrement, s’est attelé à détruire ce qu’une décennie de transition démocratique avait patiemment bâti.
Marginalisation d’une société civile pourtant vivace et qui a fait la preuve de son utilité, mépris des instances de concertation, suspension et dissolution du parlement… Peu à peu, Saïed a usé de sa méthode brouillonne et opaque pour écarter tout ce qui pouvait se mettre en travers du chemin qui le mène à la toute puissance, jusqu’à modifier la date même de la célébration d’une révolution à laquelle il n’a pas pris part et qu’il juge inachevée.
Pour refermer le cercueil d’un pr