Complotisme ou despotisme numérique ?
Le complotisme est devenu la nouvelle cible d’un personnel politique qui y voit l’effet de l’usage généralisé d’Internet, par lequel de plus en plus d’habitants obtiennent en effet l’essentiel de leur information politique et sociale. Avec cet étonnant paradoxe qu’ils y croiraient d’autant plus qu’ils perdent confiance non seulement dans les médias officiels, mais aussi dans l’information des réseaux numériques eux-mêmes : les croyances fausses seraient ainsi d’autant plus tenaces que leurs sources ne sont pas jugées crédibles !

Mais aussi avec cette conséquence, beaucoup mieux établie, que l’extrême-droite trouve dans ce complotisme diffus un aliment de choix parce qu’il entretient ses discours sur l’invasion des migrants, l’islamisation de la société, la perversion des élites et du monde scientifique ou les menaces du néo-féminisme.
Dans la perspective de la présidentielle de 2022, on ne s’est donc pas étonné que le complotisme soit devenu une cible majeure de responsables politiques qui entendent structurer tout le champ politique sur l’opposition entre une extrême-droite populiste et un progressisme socio-économique porteur de réformes qu’ils veulent incarner. En décriant la science et les autorités, les complotistes actuels ne font pourtant que confirmer une vieille observation d’Aristote qui expliquait dans La Politique que « la majorité des tyrans sont issus de démagogues qui ont gagné la confiance du peuple en décriant les notables ». Le complotisme n’a donc pas eu à attendre Internet pour produire des tyrannies et des bulles de désinformation, ni au temps d’Aristote, ni au 20e siècle, avec par exemple le « Protocole des sages de Sion », complot imaginaire des juifs utilisé par Hitler comme modèle de sa propre conspiration, ou la désinformation systématique en Union soviétique.
Le fait est cependant que les réseaux numériques ont apporté quelque chose de radicalement neuf, mais quoi exactement ? À mon avis, ce n’est pas le complotisme ou la désinfo