Littérature

Une improbable rencontre – sur La Peau du dos de Bernard Chambaz

Journaliste

Dans La Peau du dos, Bernard Chambaz met en scène la brève amitié entre Raoul Rigault, activiste jouant un rôle important lors de la Commune de Paris, et Auguste Renoir, encore à l’orée de son œuvre. Deux jeunes hommes aux horizons radicalement différents, l’un engagé dans une révolution politique, l’autre dans une révolution artistique.

C’est le hasard qui commande à leur rencontre, dans une clairière de la forêt de Fontainebleau, du côté de Marlotte. L’un, Auguste Renoir, est, comme toujours, en train de peindre ; l’autre, Raoul Rigault, s’accorde une pause après avoir fui Paris et la police de Napoléon III, dont il est une cible habituelle en raison de ses opinions subversives.

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Seul le hasard pouvait en effet les réunir tant leurs préoccupations diffèrent : le premier est plongé du matin au soir dans ses couleurs et a pour obsession la captation de la lumière et des formes sur sa toile ; le second, avide de lectures faisant retentir « les flonflons de la révolution », écrit des articles pour dénoncer la misère et inciter à l’action.

Une amitié de jeunesse – Auguste a 29 ans, Raoul 24 à peine – va pourtant les lier. Outre leur âge, ils ont en commun certains plaisirs de l’existence. Et « l’un et l’autre eurent (…) l’intuition que le monde paraîtrait sous un jour splendide ». Même s’il ne s’agit pas d’une semblable splendeur. Pour Auguste, c’est celle qui peut apparaître sur un tableau à force de travail, de regards portés sur les êtres et les choses, en perpétuelle quête du mystère de la représentation. Pour Raoul, la promesse de la beauté du monde ne peut s’exaucer qu’à condition d’être collective, et plus particulièrement au bénéfice des pauvres.

Voilà les deux personnages principaux du nouveau roman de Bernard Chambaz, La Peau du dos. S’y trouvent ainsi conjugués deux centres d’intérêt de l’auteur, qu’il a déjà développés dans plusieurs livres : la peinture – on lui doit notamment des études sur Degas[1] et sur Rembrandt[2] – et la condition du « petit » peuple, du prolétariat, vue en historien qu’il est aussi, par exemple dans le récent Une histoire vivante des ouvriers : de 1900 à nos jours[3]. L’idée de les croiser lui en est sans doute venue en lisant la biographie que Jean Renoir a consacrée à son père, Pierre-Auguste Renoir, mon père, dont Chambaz, dans ses remerciements, loue l


[1] Œil noir (Degas), Flohic, 1999.

[2] Ecce Homo (Rembrandt), Desclée de Brouwer, 2006.

[3] Seuil, 2020.

Christophe Kantcheff

Journaliste, Critique

Notes

[1] Œil noir (Degas), Flohic, 1999.

[2] Ecce Homo (Rembrandt), Desclée de Brouwer, 2006.

[3] Seuil, 2020.