La Recherche, cette chambre d’échos – sur Le train de Proust de Bertrand Leclair
Il y a dans toute lecture attentive et sérieuse la tentation secrète de s’approprier mentalement le livre lu. Mieux que quiconque, avec un empressement obligé, le critique littéraire le mesure en même temps qu’il le démontre. Montant sur la chaire invisible de son autorité il dit, en termes choisis, parfois violents ou sentencieux, parfois pertinents, ce qu’il faut penser du livre en question. D’abord ses impressions, puis, très vite, le couperet de son jugement.

Lorsqu’il exerce son activité sur un temps plus long, non entravé par l’actualité éditoriale, et donc moins immédiatement visible et exposé, à l’université par exemple, le critique contourne cette question de l’appropriation. Avec des chaussures plus fines que certains gros sabots journalistiques, il s’applique à éclairer finement, sans se précipiter, tel ou tel aspect de l’œuvre envisagée, de l’enrichir d’une analyse subtile, d’un éclairage érudit, se défendant surtout de l’embrasser d’un seul regard.
Dans un passé récent, Bertrand Leclair a déjà posé, à sa manière, toutes ces questions, estimant justement qu’on ne peut pratiquer décemment le métier de critique sans d’abord, ou en même temps, le penser. Sans se critiquer soi-même en somme. À ces questions, il a répondu avec rigueur et honnêteté, s’irritant parfois de certaines pratiques, dérives ou roublardises, qui ont cours dans les divers milieux de la critique, mettant en cause sa légitimité.
Citons trois livres qui, sans plan préétabli, ont préparé celui qui nous intéresse aujourd’hui. Un livre personnel, presque intime, qui, de quelque façon, couronne sa réflexion, témoignant du lien profond, indissoluble, de ces deux actes : lire et écrire. Pour cela, il s’appuie, plus précisément trouve son inspiration, dans une œuvre qu’il est manifestement impossible de s’approprier ou d’instrumentaliser, une œuvre qui toujours dépasse, illumine son lecteur : celle de Marcel Proust. Un nom et une œuvre déjà présents dans les livres que je vais citer.
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