Théâtre

Thomas Ostermeier : « Si l’extrême droite monte c’est parce que le pouvoir a moralement corrompu la gauche »

écrivaine et enseignante

Après La Nuit des rois en 2018, Thomas Ostermeier retrouve la Comédie-Française, pour adapter cette fois Le Roi Lear, monument du théâtre shakespearien. Armé d’une nouvelle traduction signée Olivier Cadiot, le directeur de la Schaubühne de Berlin redistribue les rôles et les genres, redonnant toute sa modernité à une œuvre éminemment politique. L’occasion d’évoquer les affres du pouvoir, dans un contexte international fait de censure et de défiance, où le théâtre a, sans doute, un rôle à jouer.

La mise en scène du Roi Lear par Thomas Ostermeier est un monument d’intelligence. Les acteurs de la troupe de la Comédie française y sont fabuleux, autour évidemment d’un Denis Podalydès impérial en vieillard paranoïaque, dictatorial, et fragile qui transfigure le rôle. Mais Ostermeier a aussi choisi une nouvelle traduction, celle d’Olivier Cadiot qui rend la lecture de Shakespeare fluide et plus drôle que jamais. Avec la dramaturge Elisa Leroy, ils ont également décidé de féminiser radicalement la pièce, en éliminant les maris superfétatoires et en transformant le personnage de Kent. Grâce à l’interprétation de la géniale comédienne Sephora Pondi, qui donne une force tellurique à ce gentilhomme falot, il devient le véritable pilier de la dramaturgie shakespearienne. Le reste de la distribution est tout aussi éclatant, et permet de conjuguer un grand respect du texte de Shakespeare tout en mettant en valeur son immense modernité. (L’entretien s’est déroulé en français et nous avons choisi d’en conserver l’oralité.) AF

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Nous sommes à la Comédie-Française et j’ai l’impression que tu es plus à l’aise qu’en 2018 lorsque tu as monté La Nuit des rois.
Ah oui ? Oui, parce que tu n’avais pas aimé ?

Non, ce n’est pas ça. Parce que je trouve que tu as utilisé l’institution en faisant davantage corps avec elle que la première fois. Où tu étais plus dans la subversion. Tu n’as pas cette impression ?
Non, pas du tout. La dernière fois, c’était une comédie. J’avais choisi de faire une comédie pour commencer à travailler avec la troupe parce que je ne voulais pas que ça pèse trop sur les épaules des gens qui travaillent avec moi. Il me semblait plus évident de faire une comédie pour s’amuser, pour pouvoir travailler avec beaucoup plus de légèreté qu’avec une tragédie. Donc les moments de « subversion », c’était des moments comiques.

Farcesques.
Farcesques, grotesques. Par exemple les improvisations qu’on avait faites. C’était vraiment pour rigoler et puis, il y a toujour


Aurélie Filippetti

écrivaine et enseignante , Professeure agrégée à Sciences Po, ancienne ministre de la Culture