Art contemporain

La possibilité d’une péninsule – sur une exposition consacrée à la scène artistique portugaise

Journaliste

Assez méconnue en France, en-dehors de quelques figures comme Paula Rego, Helena Almeida ou Francisco Tropa, la scène artistique contemporaine portugaise se dévoile au Frac Nouvelle Aquitaine Méca Bordeaux, dans une exposition pensée par Anne Bonnin, « Les péninsules démarrées ». Un panorama rhizomatique des formes d’expression et des gestes artistiques qui, des années 1960 à nos jours, dessinent une certaine tendance de l’art portugais, intranquille et poétique.

Pourquoi le Portugal ? Du cinéma au théâtre ou à la littérature, les créateurs portugais contemporains ont conquis en France ces dernières années des publics attentifs, souvent attirés par leur audace stylistique et leur imaginaire iconoclaste.

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Cela va de soi pour le cinéma depuis Manoel de Oliveira, Joao Cesar Monteiro et Paulo Rocha, jusqu’à Miguel Gomes, Pedro Costa ou João Pedro Rodrigues (dont le dernier et délirant film Feu Follet vient de sortir), ou pour le théâtre, avec la place centrale prise par Tiago Rodrigues (nouveau directeur du festival d’Avignon), sans parler de Jorge Andrade, Nuno Cardoso ou Claudia Dias… Sans être complètement absents de ces horizons lusophones, les arts plastiques semblent par contraste plutôt discrets, en-dehors de quelques figures-clé ayant eu droit récemment à de grandes expositions en France, comme Paula Rego ou Helena Almeida (exposées au CCC-OD de Tours l’été dernier).

C’est précisément l’intérêt de la nouvelle exposition du Frac Nouvelle Aquitaine-Méca-Bordeaux dirigée par Claire Jacquet, « Les péninsules démarrées », de dévoiler une part décisive, et méconnue, de la scène artistique portugaise des années 1960 à nos jours, sans chercher pour autant à en figer les traits et à en fixer les motifs. Ce qui n’aurait guère de sens lorsque l’on mesure combien le paramètre national échappe largement à la description d’une scène artistique, sauf à considérer le partage de quelques obsessions ancrées dans une expérience historique, politique ou géographique. Le passé impérial et colonial du pays, l’héritage de la dictature de Salazar, qui dura plus de quarante ans, renversée par la révolution du 25 avril 1974, mais aussi sa situation à l’extrémité de l’Europe, sa géographie péninsulaire et maritime, ont de fait nourri les imaginaires artistiques du côté de Lisbonne ou de Porto.

Comment échapper, même en se déplaçant ailleurs ou en se réfugiant dans des rêves lointains, au destin de son propre pays ? Si l’exposition ne four


Jean-Marie Durand

Journaliste, Éditeur associé à AOC