Faut-il surenchérir ?

Cher Enzo Traverso,
Pourquoi surenchérir ? Où cela mène-t-il ? Plutôt que de vous répondre longuement de façon duelle — qui, selon la notion qu’en a donnée Lacan, ne conduit qu’à fabriquer de la méconnaissance, toujours plus de méconnaissance, et qui commence à me rappeler la cour de récréation de mon enfance où l’on entendait très souvent la formule cécuikidikilè, « c’est celui qui dit qui l’est » – je vous proposerai d’interrompre, fût-ce provisoirement, cet échange polémique. La forme qu’il est en train de prendre pourrait bien aboutir à ce que chacun, dans la frustration voire la colère de n’être pas compris par l’autre, désire tout simplement ne plus entendre l’autre, rompant ainsi toute éthique du dialogue.
•
Je ne dirai donc que quelques mots en manière de résumé quant à votre position, puis quant à la mienne. À partir d’une image que vous considérez comme « de droite » – parce qu’elle montrerait des manifestants protestants lors des émeutes de Londonderry en 1969 – insérée dans le montage de mon exposition « Soulèvements », vous avez établi la séquence suivante, telle que votre dernière lettre la formule en ces termes : une « iconologie dépolitisée » guidée par un « sensualisme qui postule une primauté de l’émotionnel sur le rationnel » ; une « fétichisation du geste » au détriment de l’orientation politique des actes représentés ; une « guerre contre le contenu » prenant Freud, Warburg et Derrida comme outils théoriques ; un usage de l’anachronisme qui « arrache les images à l’histoire » et se prolonge dans un « rejet pur et simple » de l’historicité elle-même ; tout cela suscitant une attitude d’« élitisme esthétique » qui se justifie par l’alibi d’une « critique du positivisme », alors que celle-ci n’est rien d’autre, à vos yeux, qu’un simple mépris pour les faits, pour la réalité, et donc pour la politique elle-même. Tout cela ne manifestant, pour finir, que la « flânerie de quelqu’un qui aime s’égarer »… N’est-il pas vrai qu’une « gauche erran