Numérique

Concurrence et plateformes : le retour du politique ?

Politiste

Si la Commission européenne a récemment adopté les Digital Services Act et Digital Market Act, c’est paradoxalement plutôt de l’autre côté de l’Atlantique que la guerre aux Facebook, Google, Amazon et autres plateformes semble vraiment déclarée. Grâce notamment à la Federal Trade Commission, une vieille institution redynamisée et politisée par l’arrivée à sa tête de la jeune juriste Lina Kahn.

Dans l’ensemble des pays démocratiques, l’hégémonie des grandes plateformes sur les marchés numériques suscite une inquiétude croissante, à laquelle viennent répondre de nouvelles règlementations publiques. Si les regards sont ici tournés vers la Commission européenne et l’adoption récente du paquet législatif relatif aux services numériques – le Digital Services Act et le Digital Market Act – , les choses bougent également de l’autre côté de l’Atlantique. Et l’innovation vient d’un lieu qu’on imagine mal secoué par la flamme de la régulation : la Federal Trade Commission, vieille endormie chargée depuis 1914 du contrôle des pratiques anticoncurrentielles aux États-Unis, semble avoir déclaré la guerre aux plateformes.

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Depuis 2020, une série de plaintes a été déposée contre Facebook, pour « attitude anticoncurrentielle en vue de maintenir une position dominante sur le marché des réseaux sociaux numériques »[1]. Elles mettent notamment en cause les rachats d’Instagram en 2014 et de Whatsapp en 2016, ainsi qu’un ensemble de pratiques discriminantes imposées aux développeurs se branchant aux interfaces du groupe. Cet été, la FTC a également cherché à bloquer le rachat de la société Within, pionnière dans les casques de réalité virtuelle, une acquisition jugée stratégique pour Facebook dans le cadre du projet « Metaverse ».

C’est bien la première fois que la FTC intervient contre le rachat d’une petite start-up, le contrôle des fusions-acquisitions s’opérant d’habitude à l’encontre de rapprochements entre groupes de dimensions comparables. Loin d’en rester là, plusieurs enquêtes visant les autres géants de la tech – Google, Amazon et Apple – sont en cours à la FTC, affirmant la volonté de l’institution de mieux encadrer le pouvoir des GAFA, et leurs conséquences sur la vie économique et sociale du pays.

« Révolution idéologique » dénoncent ses nombreux détracteurs, « révolution politique » pour ses partisans, l’offensive de la FTC signale surtout une transforma


[1] Voir les éléments du dossier sur le site de la FTC.

[2] Lina Khan (2017), « Amazon’s Antitrust Paradox », Yale Law Journal, vol.126, p. 710-805.

[3] Richard Posner, (1979), “The Chicago School of Antitrust Analysis”, University of Pennsylvania Law Review, vol. 127, p. 925-948.

[4] « Here’s how we can break up big tech », Elizabeth Warren, March 8, 2019

[5]Notamment Tim Wu, nommé conseiller concurrence au sein du National Economic Council de Joe Biden et Jonathan Kanter, chef de la division antitrust du ministère de la Justice.

[6] Voir par exemple, Naomi Lamoreaux, « The Problem of Bigness: from Standard Oil to Google », Journal of Economic Perspectives, vol. 33, n°3, 2019, p. 94-117.

[7] Qui est aussi l’un des premiers à définir et défendre le « droit à la vie privée » aux États-Unis.

[8] The Curse of Bigness. Miscellaneous Papers of Louis Brandeis. Osmond K. Fraenkel, Ed. (New York: The Viking Press, 1934)

[9] Une de ses figures emblématiques est l’économiste Joe S. Bain, auteur en 1959 de Industrial Organization. New York: John Wiley and Sons.

[10] Voir notamment, Tim Wu, The Curse of Bigness: Antitrust in the New Gilded Age, New York, Columbia Global Report, 2018.

[11] Voir l’audition de Lina Khan devant la commission des droits du Sénat, 20 Septembre 2022.

[12] Julie Cohen (2019), Between Truth and Power. The Legal Construction of Information Capitalism, New York: Oxford University Press.

[13] En 2021 et pour la première fois depuis l’arrivée du réseau social, le nombre d’utilisateurs quotidien de Facebook a diminué en Europe.

[14] Selon le site Lobbyfacts, les GAFAM auraient investi plus de 30 millions d’euros en 2021 pour tenter d’influencer les politiques de l’Union européenne.

Anne Bellon

Politiste, maîtresse de conférences en science politique à l'Université de technologie de Compiègne

Notes

[1] Voir les éléments du dossier sur le site de la FTC.

[2] Lina Khan (2017), « Amazon’s Antitrust Paradox », Yale Law Journal, vol.126, p. 710-805.

[3] Richard Posner, (1979), “The Chicago School of Antitrust Analysis”, University of Pennsylvania Law Review, vol. 127, p. 925-948.

[4] « Here’s how we can break up big tech », Elizabeth Warren, March 8, 2019

[5]Notamment Tim Wu, nommé conseiller concurrence au sein du National Economic Council de Joe Biden et Jonathan Kanter, chef de la division antitrust du ministère de la Justice.

[6] Voir par exemple, Naomi Lamoreaux, « The Problem of Bigness: from Standard Oil to Google », Journal of Economic Perspectives, vol. 33, n°3, 2019, p. 94-117.

[7] Qui est aussi l’un des premiers à définir et défendre le « droit à la vie privée » aux États-Unis.

[8] The Curse of Bigness. Miscellaneous Papers of Louis Brandeis. Osmond K. Fraenkel, Ed. (New York: The Viking Press, 1934)

[9] Une de ses figures emblématiques est l’économiste Joe S. Bain, auteur en 1959 de Industrial Organization. New York: John Wiley and Sons.

[10] Voir notamment, Tim Wu, The Curse of Bigness: Antitrust in the New Gilded Age, New York, Columbia Global Report, 2018.

[11] Voir l’audition de Lina Khan devant la commission des droits du Sénat, 20 Septembre 2022.

[12] Julie Cohen (2019), Between Truth and Power. The Legal Construction of Information Capitalism, New York: Oxford University Press.

[13] En 2021 et pour la première fois depuis l’arrivée du réseau social, le nombre d’utilisateurs quotidien de Facebook a diminué en Europe.

[14] Selon le site Lobbyfacts, les GAFAM auraient investi plus de 30 millions d’euros en 2021 pour tenter d’influencer les politiques de l’Union européenne.