L’instinct de liberté
Lorsque Christopher Hitchens acheva son livre, Dieu n’est pas grand, il m’en fit parvenir un exemplaire pour que je le lise et je lui dis, ne plaisantant qu’à moitié, que le titre comportait un mot de trop, qu’il aurait pu utilement effacer « grand ». Il ne tint pas compte de mon avis.
L’athéisme n’est pas très répandu en Amérique. En Angleterre et en Europe c’est un tel lieu commun d’annoncer qu’on ne croit pas en Dieu que les gens se grattent la tête et se demandent pourquoi vous vous comportez de manière aussi banale. Exprimer son athéisme revient à énoncer une évidence. C’est parler de sa foi qui paraît bizarre. (À moins que vous ne soyez musulman, les musulmans ont des problèmes avec l’athéisme.) En Angleterre, lorsque Tony Blair était Premier ministre, ses conseillers en communication ne ménagèrent pas leurs efforts pour dissimuler le fait qu’il était profondément croyant parce que si cela était venu à se savoir, ç’aurait été un handicap sur le plan électoral. Une dévotion publique et une profonde foi religieuse constituent la recette d’un échec en politique.
L’année dernière j’ai été invité en Australie à une conférence sur l’« athéisme mondial » à laquelle devaient participer de nombreux intervenants très connus : Richard Dawkins, Daniel Dennett, etc. J’ai appris plus tard qu’il avait fallu annuler la conférence faute d’avoir réussi à vendre les billets. Le plus impressionnant c’est que pratiquement aucun billet n’avait été vendu. Il semble que les Australiens n’avaient aucune envie de payer pour entendre quelques-uns d’entre nous parler de ce qu’ils tenaient pour acquis. Ils préféraient aller à la plage et, comme le juge Brett Kavanaugh, boire quelques bières et ne pas se sentir responsables de ce qui arrive ensuite. En Amérique, hélas, nous ne sommes pas aussi en avance que les Australiens sauf pour ce qui est de la bière et de ce qui arrive ensuite.
En Amérique, si vous rejetez la religion du haut d’un pupitre de conférence, vous entendez souvent des réa