Droit

Le droit, entre répression et convergence des luttes

sociologue

Le pouvoir avait un temps émis l’idée de célébrer l’anniversaire de Mai 68, au lieu de quoi, en ce printemps, les forces de l’ordre répriment zadistes et étudiants. Un bref retour cinquante ans en arrière permet de saisir comment les mobilisations et leurs répressions produisent parfois des effets dans la sphère judiciaire, et comment les mouvements d’aujourd’hui pourraient inspirer les professionnels du droit de demain.

Alors que l’Université de Nanterre voit en cette année du cinquantenaire de Mai 68 des CRS appelés pour déloger des étudiants mobilisés, il peut sembler facile de durcir l’opposition entre une période toute d’expressivité et de fulgurance et un présent sombre et répressif. Pourtant, le mouvement de 68 fut lui aussi confronté à la répression, dont les modalités jouèrent d’ailleurs un rôle crucial dans son évolution. Une forme d’articulation entre les luttes s’opéra par la diffraction dans diverses enceintes judiciaires de la répression, mais aussi par la création parmi certains juristes de formes de coordination nouvelles conduisant à une politisation du traitement juridique et judiciaire des événements, comme on cherchera à l’illustrer en portant attention à un groupe de quelques dizaines de juristes qui se constitua dès le mois de mai à Paris.

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Le rôle du droit, dans la répression mais aussi dans sa contestation, apparaît ainsi essentiel à prendre en compte pour saisir les dynamiques de la mobilisation, en particulier lorsqu’interviennent, comme c’est presque toujours le cas, police et justice. Ce bref éclairage de 68 sous cet angle, en temps de commémoration, pourrait bien d’ici peu regagner en actualité, au croisement de la répression à Nanterre ou à Notre-Dame- des-Landes, mais aussi alors que le prétoire conserve sa fonction de caisse de résonance du politique, comme en témoigne le récent procès des prévenus de Tarnac, transformé par les avocats comme par les accusés en procès de l’anti-terrorisme.

La répression policière et judiciaire constitua un catalyseur d’ampleur variable de la mobilisation du printemps 68 et des mois suivant [1]. Les « agitateurs » de Nanterre furent visés par des procédures dès les derniers jours d’avril, les premiers affrontements dans le Quartier Latin le 2 mai, après la fermeture de la Sorbonne et de Censier, déclenchèrent des arrestations, des procédures disciplinaires furent bientôt engagées par l’Université de Paris. Jud


[1] Maurice Rajfus, Sous les pavés, la répression (mai 1968-mars 1974), Le Cherche Midi, 1998.

[2] Voir Henri Leclerc, Un combat pour la justice (entretiens avec Marc Heurgon), La Découverte, 1994.

[3] Le Livre noir des journées de mai, Le Seuil, 1968.

[4] « La justice en mai. Analyse du Groupe d’action judiciaire », texte dactylographié, s. d. mais probablement de la fin du mois de mai. Archives privées Jean-Jacques de Felice, Carton GAJ/MAJ 1969, BDIC/La contemporaine.

[5] Luc Boltanski, Elisabeth Claverie, Nicolas Offenstadt, Stéphane Van Damme (sous la dir.), Affaires, scandales et grandes causes. De Socrate à Pinochet, Stock, 2007.

[6] Le Groupe se rebaptisera MAJ (Mouvement d’action judiciaire) en 1969 pour cause d’homonymie avec un groupe préexistant.

[7] Première que j’ai pu repérer du moins…

[8] Courrier de Jean-Jacques de Felice au bâtonnier de Paris, Archives Jean-Jacques de Felice, BDIC, Nanterre.

[9] Les avocats aux Conseils détiennent une charge, et ont le monopole de la défense devant le Conseil d’État et la Cour de cassation.

[10] Entretien avec Philippe Waquet, 18 juillet 2008.

[11] Pour une approche plus développée, voir notamment Liora Israël, « Un droit de gauche ? Rénovation des pratiques professionnelles et nouvelles formes de militantisme des juristes engagés dans les années 1970 », Sociétés contemporaines, n° 73, no 1 (16 mars 2009).

[12] Philippe Boucher, Le Ghetto judiciaire,  Grasset, 1978. Michel Foucault, « Le Citron et le Lait » critique parue dans Le Monde du 21-22 octobre 1978, p. 14, repris dans Dits et écrits (1954-1988), t. III, Gallimard, 1994.

Liora Israël

sociologue, directrice d'études à l'EHESS

Notes

[1] Maurice Rajfus, Sous les pavés, la répression (mai 1968-mars 1974), Le Cherche Midi, 1998.

[2] Voir Henri Leclerc, Un combat pour la justice (entretiens avec Marc Heurgon), La Découverte, 1994.

[3] Le Livre noir des journées de mai, Le Seuil, 1968.

[4] « La justice en mai. Analyse du Groupe d’action judiciaire », texte dactylographié, s. d. mais probablement de la fin du mois de mai. Archives privées Jean-Jacques de Felice, Carton GAJ/MAJ 1969, BDIC/La contemporaine.

[5] Luc Boltanski, Elisabeth Claverie, Nicolas Offenstadt, Stéphane Van Damme (sous la dir.), Affaires, scandales et grandes causes. De Socrate à Pinochet, Stock, 2007.

[6] Le Groupe se rebaptisera MAJ (Mouvement d’action judiciaire) en 1969 pour cause d’homonymie avec un groupe préexistant.

[7] Première que j’ai pu repérer du moins…

[8] Courrier de Jean-Jacques de Felice au bâtonnier de Paris, Archives Jean-Jacques de Felice, BDIC, Nanterre.

[9] Les avocats aux Conseils détiennent une charge, et ont le monopole de la défense devant le Conseil d’État et la Cour de cassation.

[10] Entretien avec Philippe Waquet, 18 juillet 2008.

[11] Pour une approche plus développée, voir notamment Liora Israël, « Un droit de gauche ? Rénovation des pratiques professionnelles et nouvelles formes de militantisme des juristes engagés dans les années 1970 », Sociétés contemporaines, n° 73, no 1 (16 mars 2009).

[12] Philippe Boucher, Le Ghetto judiciaire,  Grasset, 1978. Michel Foucault, « Le Citron et le Lait » critique parue dans Le Monde du 21-22 octobre 1978, p. 14, repris dans Dits et écrits (1954-1988), t. III, Gallimard, 1994.