Société

Antisémitisme, un état des lieux

Politiste

L’antisémitisme revêt aujourd’hui en France de multiples facettes qu’il convient de distinguer si l’on veut le combattre efficacement. Une analyse fine des données disponibles permet, en particulier, de réfuter l’idée qu’un « nouvel antisémitisme » sui generis aurait chassé l’ancien.

Le « Manifeste contre le nouvel antisémitisme », publié le 21 avril dans Le Parisien, est un cri de colère face aux agressions meurtrières dont sont victimes aujourd’hui des hommes et des femmes pour la seule raison d’être juifs. Mais ses formules à l’emporte-pièces et sa polarisation exclusive sur l’islamisme radical et l’antisémitisme musulman donnent du phénomène qu’il entend combattre une vision réductrice. Un état des lieux détaillé de l’antisémitisme en France, croisant les statistiques policières sur les actes racistes et antisémites, les données du sondage annuel sur le racisme de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et celle d’enquêtes auprès des Françaises et Français juifs, montre une réalité plus complexe.

La montée des actes anti-juifs

Au ministère de l’Intérieur, le Service central du renseignement territorial (SCRT) assure depuis 2008 un suivi quotidien des actes à caractère raciste qui lui sont rapportés par ses divers relais (services départementaux, commissariats de police, brigades de gendarmerie, préfecture de police, associations)[1]. Pour l’essentiel, il s’agit de dépôts de plainte. Les « actions » recouvrent les homicides, les attentats, les incendies, les dégradations, les violences et voies de fait. Les « menaces » recouvrent les propos, gestes menaçants et démonstrations injurieuses, les inscriptions, les tracts et courriers. Ces « actions » ou « menaces » sont classées en trois catégories selon le mobile, « antimusulman », « antisémite » ou « raciste » (autre que les deux premiers). Ces données sont croisées avec celles du Service de protection de la communauté juive (SPCJ), créé après l’attentat de la synagogue de la rue Copernic en 1980, pour les actes anti-juifs, et avec celles du Conseil français du culte musulman (CFCM) pour les actes antimusulmans, décomptés à part depuis 2010.

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Ce décompte n’est pas exhaustif. Toutes les victimes ne signalent pas l’infraction, surtout les plus démunies sociale


[1] Voir la présentation détaillée de la méthodologie dans la section 1 du chapitre 4 « Le passage à l’acte » du rapport de la CNCDH, Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. 2017, Paris, la Documentation française, 2018.

[2] Le dispositif PHAROS (Plate forme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements) relevant de la Police judiciaire permet de signaler en ligne les contenus et comportements illicites sur Internet, notamment l’expression du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie et l’incitation à la haine raciale, ethnique et religieuse.

[3] L’enquête annuelle « Cadre de vie et sécurité » menée par l’Insee en partenariat avec l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP) interroge directement un échantillon de ménages sur les faits de délinquance dont ils ont pu être victimes. Sur la période 2012-2016 elle montre que chaque année environ 690 000 personnes âgées de 14 ans ou plus ont déclaré avoir subi des injures à caractère raciste, 126 000 des menaces et 71 000 des violences. Respectivement 3%, 17% et 30% des victimes ont porté plainte.

[4] Pour les résultats détaillés voir Nonna Mayer, Guy Michelat, Vincent Tiberj et Tommaso Vitale, « La stabilité de l’indice de tolérance » et « Vieil antisémitisme, nouvelle judéophobie » in CNCDH, Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2017, op.cit.

[5] Voir le bilan des sondages de l’IFOP : « 1967-2014 – Regards sur Israël et les conflits du Proche-Orient », IFOP. Collectors, 31, Août 2014, ainsi que la toute dernière enquête commandée par l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) à l’IFOP sur « Les Français et les 70 ans d’Israël », 2-3 Mai 2018.

Nonna Mayer

Politiste, Directrice de recherche émérite au CNRS, Centre d’études européennes de Sciences Po, membre de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH)

Notes

[1] Voir la présentation détaillée de la méthodologie dans la section 1 du chapitre 4 « Le passage à l’acte » du rapport de la CNCDH, Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. 2017, Paris, la Documentation française, 2018.

[2] Le dispositif PHAROS (Plate forme d’Harmonisation, d’Analyse, de Recoupement et d’Orientation des Signalements) relevant de la Police judiciaire permet de signaler en ligne les contenus et comportements illicites sur Internet, notamment l’expression du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie et l’incitation à la haine raciale, ethnique et religieuse.

[3] L’enquête annuelle « Cadre de vie et sécurité » menée par l’Insee en partenariat avec l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale (ONDRP) interroge directement un échantillon de ménages sur les faits de délinquance dont ils ont pu être victimes. Sur la période 2012-2016 elle montre que chaque année environ 690 000 personnes âgées de 14 ans ou plus ont déclaré avoir subi des injures à caractère raciste, 126 000 des menaces et 71 000 des violences. Respectivement 3%, 17% et 30% des victimes ont porté plainte.

[4] Pour les résultats détaillés voir Nonna Mayer, Guy Michelat, Vincent Tiberj et Tommaso Vitale, « La stabilité de l’indice de tolérance » et « Vieil antisémitisme, nouvelle judéophobie » in CNCDH, Rapport sur la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie. Année 2017, op.cit.

[5] Voir le bilan des sondages de l’IFOP : « 1967-2014 – Regards sur Israël et les conflits du Proche-Orient », IFOP. Collectors, 31, Août 2014, ainsi que la toute dernière enquête commandée par l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) à l’IFOP sur « Les Français et les 70 ans d’Israël », 2-3 Mai 2018.