Comment le revenu universel est devenu de gauche
Au moment où l’État déclare vouloir élargir le « droit à l’expérimentation » des collectivités territoriales, treize départements, sous l’impulsion du président de Gironde Jean-Luc Gleyze, projettent l’expérimentation locale d’un revenu universel [1]. Annoncée depuis novembre, celle-ci pourrait voir le jour à partir de 2019. Un questionnaire en ligne vient d’être lancé à cet effet pour recueillir l’avis des citoyen.ne.s concerné.e.s.
Dans le sillage des différents projets menés en Finlande ou aux Pays-Bas, cette initiative soulève à n’en pas douter d’importantes questions quant à l’utilité et aux limites de telles expérimentations. Il faudrait également l’intégrer à la nécessaire analyse critique d’une tendance plus générale à voir dans l’expérimentation sociale l’incontournable « laboratoire des politiques publiques ». Mais il est une autre manière d’interroger cette actualité du revenu universel, qui consiste plutôt à mettre en avant la continuité avec les débats occasionnés par son émergence inattendue lors de la dernière campagne présidentielle.
Si elle a longtemps été écartée à gauche, la cause du revenu universel est aujourd’hui de plus en plus fréquemment portée par des représentant.e.s de la social-démocratie.
Il faut pour cela partir d’un simple constat, qui n’a pourtant rien d’anecdotique : de Benoît Hamon aux présidents de départements engagés dans ce projet, tous sans exception sont membres du Parti Socialiste ou ne l’ont quitté que pour rejoindre Génération.s. De fait, si elle a longtemps été écartée à gauche – au mieux comme une mauvaise réponse à une bonne question, sinon comme un piège actant paradoxalement notre enfermement dans la cage de fer de la raison capitaliste –, la cause du revenu universel est aujourd’hui de plus en plus fréquemment portée, en France et ailleurs, par des représentant.e.s de la social-démocratie.
Or, sauf à conclure hâtivement et avec une amertume satisfaite qu’il n’y a là qu’un symptôme de la mutation néolibéral