Economie

Comment le capitalisme est devenu addictif

Sociologue

Des témoignages récurrents d’anciens employés l’affirment : les techniques de mise en dépendance et de création d’addictions à des fins commerciales sont font partie de l’arsenal de firmes comme Amazon ou Facebook. Comment le capitalisme est-il passé de l’éthique protestante à la recherche frénétique du plaisir ?

Le très officiel National Institute on Drug Abuse ( NIDA) à Washington définit l’addiction comme « une maladie chronique caractérisée par une recherche et un usage compulsif ou difficile à contrôler de drogue, en dépit de ses conséquences nuisibles ». Si on remplace le mot drogue par celui de récompense qui correspond à l’état recherché lorsqu’on utilise des drogues, on voit que la définition peut très bien s’appliquer à des pathologies sociales associées à des recherches collectives de récompenses dont les effets sont notoirement nuisibles. On pourrait citer par exemple la surconsommation marchande, l’optimisation extrême des activités économiques, l’élimination systématique des sources de déficit, la mise en concurrence généralisée des individus, l’accélération de la course à l’argent et au succès, l’usage compulsif des technologies, la sur-utilisation des ressources naturelles, l’extension et la numérisation des pratiques de surveillance…

 

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Or, tous ces traits sont typiques de la forme de capitalisme qui s’est imposée ces dernières décennies et qui ne cesse de tisser autour des écrans, des biens marchands, des inscriptions numériques ou des concurrences professionnelles, un réseau de plus en plus dense de dépendances à la fois désirées et douloureuses, dont témoigne une récrimination sourde et lancinante qui s’exprime dans toute la société et en particulier dans la filmographie contemporaine.

Des addictologues comme Jean-Pierre Couteron ont pointé depuis un moment le caractère  addictogène des sociétés contemporaines avec d’un côté une course à la performance qui pousse les sujets à essayer de se dépasser dans le travail et de l’autre une stimulation constante de leurs désirs consuméristes et une culture du plaisir et des intensités entretenues par les entreprises marchandes.  De fait, le caractère massif des addictions individuelles aux drogues, mais aussi aux jeux d’argent, aux achats, aux écrans, à l’alimentation, au sexe…, apparues dans les


Patrick Pharo

Sociologue