Japon, grève des coeurs et simulacres affectifs
Commercialisée depuis février 2018, Azuma Hikari est une épouse de 19 ans produite par la société japonaise Vinclu. Elle a les cheveux bleus, un joli sourire, une voix douce. Son nom s’écrit avec des signes qui signifient « rencontre » (ai), « épouse » (tsuma) et « lumière » (hikari). Projetée sous forme d’hologramme dans un boîtier de verre appelé Gatebox, elle possède un embryon d’intelligence artificielle : le boîtier est équipé de senseurs détectant le son, la température et le mouvement, ce qui permet au personnage d’interagir avec son propriétaire, qu’elle appelle « maître », par allusion au mot go-shujin qui désigne l’« époux ».
À l’instar d’un assistant virtuel, elle peut le réveiller : « C’est le matin… ». Elle peut le suivre du regard, lorsqu’il se prépare à partir (« Dépêche-toi, tu vas être en retard »), s’incliner gracieusement lorsqu’il quitte l’appartement (« Travaille bien »), lui envoyer des mots doux par email (« Je t’attends ») et l’accueillir d’une voix émue lorsqu’il revient du travail (« Tu es de retour… »). C’est, en apparence, une épouse parfaite : celle grâce à qui rentrer chez soi, après une longue journée de labeur, peut prendre du sens. Quelqu’un a besoin de vous. Quelqu’un se sent seul, sans vous.
On pourrait croire qu’elle a été conçue pour remplacer une femme humaine. Mais non. Comme la plupart des simulacres affectifs au Japon, Azuma Hikari n’a pas vocation à servir de substitut. La compagnie Vinclu se montre très claire sur ce point : « Notre but c’est de rendre possible la co-existence avec des personnages fictifs. […] Nous croyons au pouvoir des rêves. Aujourd’hui, les nouvelles technologies (Réalités mixtes, Intelligence artificielle, Internet des objets) facilitent la rencontre avec des créatures fictives […]. Nous voulons exploiter le potentiel illimité de ces nouvelles technologies pour faire d’un rêve une réalité : vivre avec un personnage. » Pour le dire plus explicitement : la Gatebox ne vise pas le marché des hom