International

Steve Bannon, face au vieux monde (2/2)

Sociologue

Le débarquement de Bannon sur le sol européen rend un peu d’actualité à une question oubliée : la banalisation de l’attitude fasciste conduit-elle à rendre acceptable l’instauration d’une société totalitaire ? Et au-delà de la prise de conscience du mouvement voulu par l’ancien conseiller de Trump, qu’est-ce que cela révèle des enjeux de l’Union européenne ?

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Les amis de Steve Bannon en Europe ne prennent pas vraiment au sérieux le défi qu’il leur lance en annonçant qu’il va prendre la direction de « The Movement ». Pour eux, il ne comprend pas grand chose à la situation de l’extrême-droite européenne ; ses outils de propagande et de manipulation ne sont pas adaptés aux conditions d’une élection européenne ;  et sa volonté de voir l’Union se disloquer ressemble trop un combat servant uniquement la domination de l’Amérique. En un mot, ils font comme si l’apparition du fascisme soft de Bannon dans l’espace public européen ne les concernait pas. Et on ne peut pas attendre d’eux qu’ils y voient un risque pour la démocratie. Mais qui d’autre est prêt aujourd’hui, mis à part les « antifas », à soutenir publiquement que le fascisme nous menace ?

Voir le fascisme

Par décence, pusillanimité ou rigueur scientifique, les analystes et commentateurs préfèrent ne pas utiliser le terme fascisme pour qualifier un programme ou un mouvement politique –  sauf lorsqu’il reprend cette étiquette à son compte. Ils trouvent toujours un bon argument historique ou politique pour ne pas admettre qu’une idéologie ou un régime contemporain mérite vraiment cette qualification. Ils ont peut-être raison. Mais cette prudence, qui est souvent dictée par des lois sanctionnant l’utilisation de ce terme, conduit à tenir pour une expression politique comme une autre ces démarches qui, comme celle de Bannon, saluent l’autorité, exaltent la violence, glorifient l’identité, propagent la haine et réclament l’institution d’une police de la pensée. Et cette suspension du jugement vaut également pour ces démocraties représentatives qui se transforment insensiblement en États totalitaires en continuant à se prévaloir de l’onction démocratique que leur confère le suffrage universel – comme c’est le cas de la Hongrie et de la Pologne.

On peut se servir du mot fascisme pour nommer un type de régime aux propriétés singulières. Mais cet usage réservé aux spéci


[1] M-A. Matard-Bonucci, Totalitarisme fasciste, Paris, CNRS Éd., 2018.

[2] Zabel indique qu’il n’a pas inclus le racisme parmi les critères du fascisme puisque s’il est présent dans le modèle allemand, il est absent du modèle italien. N’y figurent pas non plus les persécutions, déportations, meurtres de masse et génocides – qui se développent une fois le régime instauré.

Albert Ogien

Sociologue, Directeur de recherche au CNRS – CEMS

Notes

[1] M-A. Matard-Bonucci, Totalitarisme fasciste, Paris, CNRS Éd., 2018.

[2] Zabel indique qu’il n’a pas inclus le racisme parmi les critères du fascisme puisque s’il est présent dans le modèle allemand, il est absent du modèle italien. N’y figurent pas non plus les persécutions, déportations, meurtres de masse et génocides – qui se développent une fois le régime instauré.