Macron pourra-t-il encore longtemps se passer d’un « vrai » parti politique ?
Du point de vue de la science politique, la France connaît depuis le mois de mai 2017 une situation quasi expérimentale. On ne le répètera jamais assez, l’accès à la magistrature suprême, à sa première tentative, d’un homme jamais élu ni même précédemment candidat à la moindre élection, porté par une organisation rudimentaire mise sur pied moins de deux ans auparavant, est non seulement inédite dans notre pays, mais dans toutes les « vieilles démocraties ».

Si les primaires américaines ont parfois débouché sur la victoire d’outsiders (Donald Trump par exemple), aucun candidat indépendant n’est jamais parvenu à entrer à la Maison blanche. Il faut se tourner vers les régimes présidentiels d’Amérique latine pour rencontrer de tels exploits. Au Pérou, en 1990, Alberto Fujimori a ainsi été élu à la présidence du pays contre le candidat de l’establishment, l’écrivain Mario Vargas Llosa, dans un contexte de profond discrédit des partis politiques. Au Venezuela, en 1998, le colonel Hugo Chavez, quatre ans après être sorti de prison pour un putsch manqué et avoir créé un nouveau parti d’orientation socialiste, le Mouvement Cinquième République (MVR), a gagné successivement les élections législatives et présidentielle.
On n’a pas fini de gloser sur les causes d’une telle performance. Le discrédit des partis y figure en bonne place. Mais notre système institutionnel y a sa part. L’élection du président de la République au suffrage universel, associée à un remboursement public assez généreux des dépenses de campagne et à un accès équitable aux médias, favorise davantage les entreprises charismatiques que les élections législatives, notamment quand les députés sont élus au scrutin proportionnel.
Dans les régimes parlementaires européens, seule l’Italie contemporaine a connu deux bouleversements politiques comparables : en 1994, avec la victoire de Silvio Berlusconi et de Forza Italia – mais le Cavaliere n’avait alors gagné qu’en devenant le chef d’une coalition de partis et d’