International

« L’accusé Ghosn » et la justice japonaise

Sociologue

Mise en garde à vue de longue durée, impression d’une présomption de culpabilité, refus de libération sous caution tant que le suspect n’a pas avoué : quels que soient les crimes imputés au patron de Renault et Nissan, et quoi qu’il en soit de sa responsabilité, « l’affaire Carlos Ghosn » aura permis, aux Européens et aux Américains notamment, de découvrir la réalité d’un système judiciaire japonais depuis longtemps dénoncé par Amnesty International.

Le mardi 8 janvier à l’annonce de la comparution de Carlos Ghosn devant le tribunal de Tokyo qui devait statuer sur sa situation, les titres de la presse française ont témoigné de l’étonnement : avant même le procès, la justice japonaise traitait Carlos Ghosn comme un coupable. Alors qu’en France Bruno le Maire invoquait la présomption d’innocence (voir cet article).  Les Français découvraient que le Japon ne traitait pas ses suspects de la même façon que leur pays ou les États-Unis. Mise en garde à vue de longue durée, impression que la présomption de culpabilité dominait, refus de libération sous caution tant que le suspect n’a pas avoué. Voici quelques-uns des aspects de ce traitement qui a surpris chacun.

Comme dans toute démocratie libérale, dans la Constitution d’après-guerre de 1947, le Japon a institué la séparation des pouvoirs, donnant au système judiciaire une autonomie de principe. Ainsi, depuis son arrestation le 19 novembre 2018, alors qu’il mettait le pied sur le territoire japonais, Carlos Ghosn est traité comme un suspect dont la police attend l’aveu de culpabilité.  Cependant tout s’est déroulé conformément au système pénal. Le procureur public est en charge de l’enquête sur le crime ou le délit commis par une personne mise en garde à vue dans un commissariat. La garde à vue peut durer 10 jours, mais est reconductible si d’autres accusations sont formulées. La garde à vue étendue peut être faite pendant 23 jours dans une cellule d’un des commissariats locaux. Ce système s’appelle Daiyô kangoku,qui signifie prisons de substitution. Carlos Ghosn y a été enfermé. Nous ne reviendrons pas sur le déroulement de cette détention qui se poursuit encore deux mois après son arrestation et que la presse suit dans ses moindres détails.

Au Japon, la présomption d’innocence s’articule avec l’idée d’une collaboration du suspect qui se manifestera par l’aveu.

Il ne faut cependant pas s’y tromper : le dispositif légal du Japon reconnaît la présomption d’innocence.


[1] Edith Guilhermont,  Qu’appelle-t-on « Présomption d’innocence » ?,  Archive de Politique criminelle, 2007/1, nº29.

[2] Citation figurant sur un site de conseils à suivre en cas d’arrestation, géré par le Barreau japonais du nom de Nice Legal.

[3] La justice pénale au Japon, UNAFEI,- Institut des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en Asie et en Extrême-Orient,  2014.

[4] Constitution du Japon du 3 novembre 1946.

[5] Le système de la prison de substitution a été créé en 1908. Voir le rapport sur le système : Association japonaise du Barreau, Pour une suppression du système de la prison de substitution, février 2008 (en japonais).

Anne Gonon

Sociologue, Professeure à l'Université Doshisha

Notes

[1] Edith Guilhermont,  Qu’appelle-t-on « Présomption d’innocence » ?,  Archive de Politique criminelle, 2007/1, nº29.

[2] Citation figurant sur un site de conseils à suivre en cas d’arrestation, géré par le Barreau japonais du nom de Nice Legal.

[3] La justice pénale au Japon, UNAFEI,- Institut des Nations Unies pour la prévention du crime et le traitement des délinquants en Asie et en Extrême-Orient,  2014.

[4] Constitution du Japon du 3 novembre 1946.

[5] Le système de la prison de substitution a été créé en 1908. Voir le rapport sur le système : Association japonaise du Barreau, Pour une suppression du système de la prison de substitution, février 2008 (en japonais).