La loi Santé ou l’hôpital sans l’hospitalité
Les urgences n’ont pas connu d’âge d’or. Il serait erroné d’opposer à la situation actuelle un passé apaisé où la pression et la tension ne hantaient pas ces services. Les enquêtes sociologiques sont sur ce point très claires, en particulier celles de Jean Peneff, qui ont montré que la situation des années 1980-1990 n’avait rien de réjouissante. Vingt ans après, l’enquête conduite par Nicolas Belorgey le confirme : les services d’urgence sont débordés et la pénibilité physique et psychologique y est prégnante. Mais plus encore, entre les années 2000 et aujourd’hui, le nombre de passages aux urgences a explosé. Rien qu’entre 2012 et 2016, il est passé de 18,4 à 21,2 millions.
On ne compte plus les témoignages de soignant.e.s au bord de l’implosion, les articles de presse sur des accidents survenant au sein des services – les soignant.e.s estimant qu’au vu des moyens dont ils et elles disposent, le faible nombre d’erreurs et de drames relève du miracle et surtout de leur dévouement plus que d’une capacité du système de soin à prendre en charge tout.es les patient.e.s. Encore très récemment, le cas du décès d’une patiente aux urgences de l’Hôpital Lariboisière a mis en lumière l’état de tension dans lequel se trouvent de nombreux services, la direction des Hôpitaux de Paris reconnaissant elle-même que ce décès était dû à un problème d’« organisation ».
Le problème des sous-effectifs est reconnu, y compris par les pouvoirs publics. La Cour des comptes dans son rapport annuel de 2019 le confirme : pour répondre aux besoins des services d’urgence, il faudrait augmenter de 20% le nombre d’urgentistes à temps plein [1]. Il est difficile de hiérarchiser clairement les raisons de l’explosion du nombre de passages. Le vieillissement de la population, les épidémies saisonnières, la fermeture de lit en aval conduisant à ne pas hospitaliser des patient.e.s qui pourraient l’être, le manque de structures en ville, l’explosion de la pauvreté, une tarification incitant à l