Liberté, égalité, sexualité
Pour qui est âgé de moins de trente ans, le phénomène relève de l’évidence quotidienne, pour les autres, il devient difficile de ne pas le repérer : il se passe aujourd’hui quelque chose d’important dans le champ de la sexualité. Les initiatives consacrées aux organes génitaux, au plaisir et aux modalités plurielles de la rencontre des corps se succèdent à un rythme effréné et joyeux. Plateformes et blogs, fils et comptes dédiés, chroniques et podcasts, applis et tutos, ateliers théoriques et pratiques, essais et bandes dessinées, spectacles et séries télévisées, l’offre est si abondante que l’on envie les personnes qui entrent dans leur vie sexuelle emportées dans un tel flux d’informations et d’expériences partagées.

Si le rythme de ces propositions s’est récemment accéléré et si leur écho résonne fortement désormais, la dynamique n’est cependant pas toute nouvelle. C’est au début des années 2010 que s’est enclenché ce que j’appelle, dans Le corps des femmes. La bataille de l’intime, « le tournant génital du féminisme ». De façon disséminée et presque insidieuse, une nouvelle génération s’empare alors de sujets corporels qui ont en commun de concerner la génitalité féminine. Si la sexualité est investie de façon pionnière, c’est par les règles que la publicisation des thématiques intimes se fera d’abord : baisse de la TVA sur les produits de protection hygiénique, première campagne nationale sur l’endométriose, débat sur la toxicité des tampons, succès de la cup et des culottes menstruelles, publication d’une série d’ouvrages dédiés, le sang menstruel devient visible, politique donc.
Le clitoris peut alors faire lui aussi son « apparition ». Étudié scientifiquement de façon très tardive (première description anatomique exacte en 1998, première échographie complète en 2007, première modélisation en 3D en 2016), l’organe fait désormais l’objet d’une multitude d’entreprises de réappropriation qui bénéficient de l’effet de démultiplication virale des réseaux sociaux.