Société

PMA avec tiers donneur : Quelle modalité d’établissement de la filiation ? (1/2)

Sociologue

Le projet de loi relatif à la bioéthique propose l’ouverture de la PMA à toutes les femmes. Celle-ci recueille un large consensus, tout en posant la question de la façon dont sera établie la filiation des enfants conçus par don. Ce sujet est depuis quelques mois l’objet d’un débat passionné. Irène Thery se propose ici de le remettre en perspective, selon une démarche de sociologie du droit et de la famille, dans un article en deux volets.

Trois possibilités sont aujourd’hui en discussion[1] pour l’établissement de la filiation des enfants conçus par don. La première consiste à maintenir la filiation charnelle (titre VII du code civil) pour les couples de sexes différents, et instituer une filiation spécifique pour les couples de femmes par présomption de co-maternité et /ou reconnaissance supposant pour ces couples de fonder la filiation sur le consentement au don. Une solution qui ne figurait pas dans le pré-projet du gouvernement. Elle est préconisée par diverses associations.

La seconde éventualité serait d’instituer entre la filiation charnelle (titre VII) et la filiation adoptive (titre VIII), une troisième modalité d’établissement de la filiation, la « filiation par déclaration anticipée de volonté » inscrite dans un titre VII bis. Cette filiation fondée sur l’engagement parental serait destinée à tous les parents recourant à un tiers donneur. Cette solution était une option retenue dans le pré-projet du gouvernement (article 4) mais elle ne figure pas dans le projet de loi. Elle aussi est soutenue par diverses associations.

Enfin la possibilité de maintenir la filiation charnelle (titre VII) actuellement en vigueur pour les couples de sexe différent et instituer une « filiation par déclaration anticipée de volonté » pour les seuls couples de femmes, inscrite dans un nouveau titre VII bis. C’était l’une des deux options envisagées dans le pré-projet du gouvernement (art. 4bis). Préconisée par le Conseil d’État, c’est la solution inscrite dans le projet de loi.

Pour comprendre ces enjeux, il est nécessaire de rappeler la situation actuelle en expliquant pourquoi on ne peut pas utiliser l’expression « droit commun de la filiation » pour désigner la filiation charnelle du titre VII, et de préciser les origines et raisons d’être de cette filiation.

La situation actuelle en cas de don : filiation charnelle titre VII du code civil (et non « de droit commun »)

Pour asseoir correctement la discussion, il importe de s’accorder sur les termes utilisés et la description de la situation juridique actuelle[2].

 

On ne peut pas parler de « droit commun » de la filiation pour désigner le titre VII cc.

On entend beaucoup parler « d’étendre le droit commun de la filiation » aux couples de femmes etc. L’expression touche notre sensibilité : qui voudrait exclure une famille du « droit commun » ? Mais au plan juridique le terme est très loin d’aller de soi, voire choquant.

Pour clarifier, il importe de distinguer le lien de filiation lui-même, et ses modalités d’établissement. Le lien de filiation est un lien social institué référé à des règles, des significations et des valeurs. Ce lien est en effet aujourd’hui « commun » au sens où les droits, devoirs et interdits fondamentaux qui définissent le contenu de ce lien sont les mêmes pour tous les enfants, ce qui n’était pas le cas dans le passé, bien au contraire.

Les modalités d’établissement de la filiation indiquent sur quels fondements et par quelles procédures on peut établir un lien de filiation. Actuellement il existe deux grandes modalités : la filiation charnelle du titre VII et la filiation adoptive du titre VIII.

Parler de « droit commun de la filiation » pour désigner en réalité une de ses modalités d’établissement, la filiation charnelle du titre VII, n’a pas de véritable sens et empêche de percevoir où se situent précisément les enjeux. Plus grave, ce vocabulaire érigeant la filiation du titre VII en norme unique de référence, disqualifie la filiation adoptive en l’excluant du « droit commun ». Il vaut mieux bannir ce terme. Dans notre société contemporaine, le principe d’égalité des enfants en matière de filiation, loin de s’opposer à la pluralité des modes d’établissement, passe précisément par elle. Cette question est, comme on le verra, au centre du débat actuel sur la filiation.

 

La filiation du titre VII: filiation « charnelle ».

La filiation du titre VII n’a pas d’adjectif dans le Code civil. Le doyen Carbonnier[3] explique que c’est un héritage, une trace du fait qu’historiquement elle était considérée comme la filiation « princeps ». Mais avec l’institution de l’adoption, la filiation titre VII a cessé d’être « la norme » amenant à utiliser un adjectif pour préciser de quoi on parle. Jean Carbonnier propose le terme de filiation « charnelle » non pas pour signifier qu’elle serait par principe issue d’un acte sexuel mais pour ne pas employer l’expression courante de filiation « biologique ». Ce terme scientifique souvent utilisé est faux, explique-t-il, car il y a une place reconnue à la volonté dans la filiation charnelle telle que le droit l’organise. Cette question est complexe et on ne prétendra pas la traiter ici. On se bornera à ce qui est nécessaire pour clarifier le débat actuel.

Soulignons d’abord l’asymétrie radicale des sexes et des genres : d’un côté « la mère est celle qui accouche » (corps, procréation), de l’autre « le père est celui que les noces désignent » (statut, volonté). La place éminente accordée à la volonté dans la filiation paternelle est sans aucun équivalent dans la filiation maternelle. Cela aussi a une histoire : celle des siècles au cours desquels on a pensé que ce qu’on nommait « le mystère de la paternité » serait à jamais insondable et où l’enjeu majeur pour les sociétés humaines était d’instituer des procédures rattachant des hommes (tel homme en particulier) aux enfants que les femmes (telle femme en particulier) mettent au monde afin de les transformer en pères selon le système de parenté en vigueur. L’essentiel est de savoir que, bien qu’elle fasse explicitement référence à la procréation, jamais la filiation charnelle n’a été un simple décalque de la biologie.

Aujourd’hui la paternité biologique peut être « certaine » grâce aux tests ADN. Mais comme hier, on ne vérifie pas a priori si le mari ou le compagnon est bien le géniteur. Sur un sujet aussi essentiel on se fonde sur la parole, et ce n’est pas une petite affaire que cette foi en la parole au plan de nos valeurs communes et du lien social. Ce n’est qu’en cas de contentieux que celle-ci est soumise à la preuve ADN.

 

La possibilité de n’être pas le géniteur n’altère pas le sens de la filiation charnelle.

Se fonder sur la parole fonctionne parce que, de façon générale, les gens adhèrent à la signification de la règle et la respectent. Mais on sait aussi que cela rend possibles des déclarations erronées ou mensongères. C’est toute la question des secrets de famille qui peuvent prospérer in the shadows of the law. Le point capital est que les marges de manœuvre laissées aux individus ne changent pas la signification sociale et juridique de la filiation charnelle : comme la mère dont la filiation est fondée sur l’accouchement, le père est supposé être le géniteur de l’enfant.

La présomption de paternité est une présomption de procréation. Soulignons bien ici le mécanisme juridique de la présomption : on passe d’un fait connu (il est marié) à un fait inconnu (il est le géniteur) et c’est sur ce fondement qu’il est, en tant que mari, désigné comme le père de l’enfant dont sa femme accouche. En cas de contentieux, la présomption de paternité pourra être défaite en recourant à la preuve biologique. Même chose pour la reconnaissance de l’enfant par l’homme non marié : c’est une reconnaissance de procréation qui, en cas de contentieux, se défera par preuve biologique.

Il n’y a donc rien de contradictoire à dire que la filiation charnelle du titre VII reconnaît une part à la volonté, laisse ouverte aux individus la possibilité de se tromper ou de mentir (au risque d’un contentieux), et à souligner que cette modalité d’établissement de la filiation signifie aux yeux de la société comme aux yeux de l’enfant que ses parents selon le droit, ceux qui ont endossé le statut de parent, sont aussi ses deux géniteurs.

 

Pourquoi la modalité d’établissement utilisée en cas de PMA avec don est-elle la filiation charnelle ?

En cas de recours à une PMA avec don en France (par hypothèse par un couple de sexe différent en âge de procréer, seul autorisé aujourd’hui) la filiation utilisée est la filiation charnelle, bien que le sens de celle-ci soit, comme on vient de le rappeler, de signifier à l’enfant que ses deux parents sont ses deux géniteurs.

Pour le comprendre, il faut distinguer deux moments dans l’histoire de la PMA française, la période 1973-1994 où la médecine endosse le modèle « Ni vu ni connu », et la période 1994-2019 où le don apparaît comme un « traitement » de l’infertilité pathologique et l’institution d’une filiation pseudo-charnelle (1994-2019).

Au départ, on ne se pose pas la question de quelle filiation utiliser : la filiation charnelle s’impose comme allant de soi. Les seuls dons possibles sont les dons de sperme et ils prolongent une pratique ancestrale, celle du recours à l’homme caché en cas de stérilité du mari. L’homme caché a été d’abord l’amant permettant au mari de masquer son infertilité et d’avoir une descendance. Puis dès le XIXe s l’invention de l’insémination artificielle permet de remplacer l’amant par le donneur caché derrière le rideau du cabinet des gynécologues. Dans les années 1970 la cryoconservation du sperme change la donne en séparant le moment du don de celui de son usage. Les biobanques deviennent des réservoirs de paillettes congelées.

Le don de sperme étant condamné par l’Église et considéré comme immoral (on introduirait un « enfant adultérin » dans la famille), Georges David, fondateur des premiers Cecos (1973) se préoccupe d’élaborer une déontologie des pratiques du don de gamètes sur le modèle du don de sang, afin de « moraliser le don ». À l’époque il était évident que le don devait être caché à tous et d’abord à l’enfant lui-même. « Surtout ne lui dites rien » disent les professionnels aux parents. L’idée est de les protéger de l’opprobre en les aidant à passer pour « une famille comme les autres », autrement dit une famille fondée sur le lien de sang.

La médecine organise le subterfuge en sélectionnant des donneurs de même groupe sanguin que le mari stérile afin que l’enfant ne se doute de rien lorsqu’il suivra ses premiers cours sur l’hérédité. C’est le modèle « Ni vu ni connu ». Loin d’être propre à la France, il s’impose un peu partout avec les premières banques de sperme. Chacun à l’époque pense agir pour le bien et la protection des parents et des enfants, et il convient d’éviter tout anachronisme dans notre compréhension de cette période.

Vingt ans plus tard, c’est l’élaboration des premières lois de bioéthique (1994), une démarche cette fois spécifique à la France. Depuis plusieurs années, la règle du secret envers l’enfant est contestée comme contraire à son intérêt. Les professionnels ont changé et conseillent désormais aux parents « surtout, dites-le-lui ». Le choix de la filiation charnelle fait débat. Des juristes de droit de la famille, plutôt favorables à une filiation par adoption pour le père stérile, s’opposent aux médecins des Cecos, qui défendent le maintien de la filiation charnelle. En effet, ces spécialistes définissent désormais le recours au don comme un « traitement » de la stérilité. Les donneurs sont présentés comme des fournisseurs de gamètes-médicaments qui, une fois la fécondation réalisée, permettent au père stérile de devenir ce que le biologiste Pierre Jouannet nomme le « véritable procréateur »[4].

Dans cette perspective, l’effacement du don et l’anonymat définitif du donneur acquièrent une nouvelle légitimité. On dit aux parents : c’est à vous qu’appartient le droit de dire ou pas la vérité à l’enfant, car aux yeux de la médecine il n’y a aucun problème ; c’est vous qui avez « conçu » l’enfant, par un traitement que vous avez reçu, et ce mode de conception relève du secret médical. Ce modèle « thérapeutique » a justifié jusqu’à aujourd’hui que la PMA soit réservée en France aux couples hétérosexuels souffrant d’une infertilité pathologique et interdite aux femmes seules et aux couples de femmes. C’est en ce sens que l’on a pu dire que, d’une certaine façon, la filiation avait été « saisie par la biomédecine » (Esprit, mai 2009).

 

L’institution d’une filiation pseudo-charnelle en 1994.

En 1994, les lois de bioéthique accomplissent un pas décisif en instituant qu’en aucun cas le donneur ne peut devenir un parent. C’est la base d’un statut pour les donneurs. Mais parallèlement elles organisent ce qu’on pourrait appeler une filiation pseudo-charnelle. Les parents recourent à la filiation du titre VII comme si de rien n’était, mais afin que l’argument du biologique ne puisse être utilisé ensuite pour défaire la filiation, il est prévu qu’en cas de conflit, le consentement au don signé devant le juge ou le notaire (désormais obligatoire) pourra être utilisé pour empêcher le père de se dédire. On aperçoit que quelque chose de l’ordre de l’engagement parental comme fondement possible de la filiation en cas de don commence à apparaître ici.

Mais ce n’est qu’une amorce, car le consentement au don est « reçu dans des conditions préservant le secret ». Autrement dit, utiliser ou non ce consentement est à la main des parents, qui peuvent choisir en cas de conflit aussi bien de garder que de défaire la paternité si cela leur convient mieux. Le choix fondamental est celui d’un modèle pseudo-biologique, dans lequel le don est une affaire « intime » et où les parents passeront officiellement pour les deux géniteurs. C’est désormais le droit qui a pris en charge d’organiser lui-même le secret de famille en cas d’engendrement avec un tiers donneur.

Critiques de l’usage actuel d’une modalité d’établissement « filiation charnelle titre VII » en cas de don

Ces brefs rappels permettent de comprendre pourquoi le recours à une filiation charnelle titre VII, désormais assortie des dispositions introduites en 1994, s’est maintenu depuis près d’un demi-siècle. Le plus important, pour la France du moins, est le poids du discours médical présentant le don comme un « mode de conception » par le couple ayant reçu un « traitement » faisant du parent stérile le « véritable procréateur ». Mais ils permettent aussi de comprendre les critiques croissantes qui lui sont adressées.

 

Atteinte aux droits de l’enfant conçu par don.

Le choix de la filiation charnelle du titre VII n’est pas seulement un silence. Il signifie à l’enfant que ses parents sont ses géniteurs, comme on l’a expliqué plus haut. On aperçoit ici les conséquences de la définition du recours au don comme un « mode de conception » relevant de l’intimité du couple. Sa contrepartie inévitable est d’organiser la naissance de dizaines de milliers d’enfants dotés a priori d’une filiation mensongère. L’usage de la filiation charnelle prive l’enfant de son histoire, la remplace par une autre, et charge les parents de rétablir la vérité. Lorsque ceux-ci informent leur enfant du recours au don, non seulement tout un monde de confiance et toute une identité personnelle vacillent pour lui, mais il découvre alors l’anonymat définitif des donneurs, pièce centrale du dispositif du modèle « thérapeutique ».

On a ainsi créé une catégorie d’enfants à part des autres, la seule qui par l’effet de l’action de l’État, est privée de réponse à une question qui, pour tous les autres va de soi : « à qui dois-je d’être né ? ». Filiation pseudo-charnelle et anonymat définitif des donneurs sont les deux faces d’un système qui prive les personnes conçues par don de l’accès ordinaire à leur histoire et à leur identité narrative.

Mais les choses changent profondément aujourd’hui. Ces enfants, devenus des adultes prennent la parole et protestent contre le système mis en place en 1973, et conforté en 1994. Écouter les témoignages et les revendications des personnes conçues par don est décisif si nous voulons évoluer vers un système légal respectueux des droits de l’enfant.

 

Abandon institutionnel des parents recourant au don.

Le modèle biomédical donne clairement la priorité au droit du parent « de dire ou de ne pas dire » sur le droit de l’enfant à bénéficier d’une identité narrative qui ne soit pas d’emblée falsifiée. Mais est-ce un soutien aux parents ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est toujours présenté comme un gage de respect de la vie privée des parents, est aussi un véritable abandon institutionnel. Après les avoir transformés en pseudo-géniteurs, grâce à la filiation charnelle, notre société demande aux parents ayant construit leur famille grâce au don d’inventer tous seuls, dans leur salon, de façon privée, un rôle qu’elle ne reconnaît pas.

On semble avoir oublié ici le rôle majeur de l’institution qui énonce la règle du jeu et définit des statuts, donnant aux individus le moyen de ne pas tout ramener à des relations intersubjectives. Cette véritable défaillance institutionnelle condamne les parents à une forme de solitude très particulière, qui rend difficile de savoir que dire, quand dire, comment dire.

 

Effacement social des familles issues de don

L’idéologie du privé, de l’intime et du secret, qui a justifié de recourir à une filiation charnelle du titre VII dans un cas où, à l’évidence, elle n’était pas adaptée, est liée au temps où on pensait qu’il fallait absolument dissimuler le don, qui n’était pas acceptable socialement. Elle a transformé les membres des familles issues de don en « passagers clandestins » du système de parenté. Ils peuvent monter à bord, mais ils ne peuvent pas prendre de billet. Les familles issues de don existent, mais aux yeux de notre société, elles n’existent pas. Ce faisant, le stigmate dont on voulait les protéger se crée et se perpétue artificiellement. Car il n’y a rien de honteux à naître d’un don. Ce qui crée le stigmate, c’est la logique du silence, des secrets et des mensonges. C’est pourquoi de plus en plus d’États reviennent de façon critique sur l’effacement du don. Comme l’écrit le Nuffield Council on Bioethics : « Ayant encouragé la création de familles issues d’un don (donor conceived families), l’Etat a pour devoir de promouvoir le bien-être de ces familles autant que c’est possible. Cela signifie en particulier encourager un environnement social où la création d’une famille à partir d’un don d’engendrement est vu comme quelque chose d’ordinaire (unremarkable)… une façon comme une autre de construire une famille »[5].

 

Exclusion des femmes seules et des couples de femmes de la PMA avec don via le modèle « pseudo-procréatif » du recours au don.

Enfin, le modèle thérapeutique mis en place en 1994 a présenté le don comme un « traitement » de la stérilité. Mais c’est un abus de langage car le don ne soigne rien. Après le don, le père stérile n’a pas « conçu » au sens ordinaire du terme. Il n’est pas le géniteur, car ce n’est pas à lui qu’ont été données les « gamètes », mais bien plutôt à son épouse. Ce que masque la vision du don comme « traitement », est le rôle de la troisième personne, le donneur. Si on cesse de le nier, on aperçoit que l’engendrement avec tiers donneur est en réalité un arrangement social : un couple, où l’un procrée et l’autre pas, recourt à la coopération d’une tierce personne qui donne de sa capacité procréative pour permettre à ce couple de devenir parents. C’est bien pourquoi des femmes seules, des couples de lesbiennes se sont dit « pourquoi pas nous ? ».

Grâce aux familles ainsi créées par les couples de femmes ayant fait une PMA à l’étranger, quelque chose de décisif apparaît dans la société française : l’engendrement avec tiers donneur est bien un moyen nouveau de construire une famille, qui n’est ni la procréation ni l’adoption mais une troisième voie.

Le fait que ces familles homoparentales soient visiblement issues de dons change la donne et pose l’alternative centrale de cette réforme bioéthique. Soit l’on fera comme si les couples de femmes étaient les seuls à recourir au don, et on organisera pour elles une filiation spécifique. C’est l’option des solutions qui conservent la filiation charnelle du titre VII pour les couples hétérosexuels. Soit au contraire on se saisira de ce moment pour entendre les critiques majeures qui ont été faites au choix d’une filiation pseudo-charnelle pour les couples de sexe différent, en particulier au regard des droits de l’enfant, et on instituera pour toutes les familles issues d’un don un véritable droit commun : une même modalité d’établissement de la filiation.

NDLR : la suite de cet article sera publiée dans notre édition de lundi 9 septembre.

 


[1] On laisse de côté l’hypothèse où on maintiendrait le droit actuel en matière de filiation : dans ce cas, l’épouse de la femme qui accouche devrait adopter son propre enfant, comme elle le fait déjà après une PMA à l’étranger. Cette hypothèse n’est envisagée que par les opposants à l’ouverture de la PMA pour toutes, et donc au projet de loi en général.

[2] Pour ne pas compliquer l’exposé, on a choisi ici de se limiter au cas de don de sperme. Le don d’ovocyte a sa spécificité (le dédoublement de la maternité physique en une maternité génétique et une maternité gestationnelle qu’a permis la FIV), le secret du don repose sur d’autres bases que pour un don masculin, et le don d’ovocyte engage infiniment plus la donneuse que le don de sperme. Cependant, ces particularités importantes ne changent pas les coordonnées essentielles du débat sur la filiation, examiné ici.

[3] J. Carbonnier, Droit civil, tome 1, PUF 2004

[4] P. Jouannet, in Esprit, dossier « La filiation saisie par la biomédecine », mai 2009.

[5] Donor Conception, Ethical Aspects of Information Sharing, Nuffield Council on Bioethics, April 2013. p.186.

Irène Théry

Sociologue, Directrice d'études à l'EHESS

Notes

[1] On laisse de côté l’hypothèse où on maintiendrait le droit actuel en matière de filiation : dans ce cas, l’épouse de la femme qui accouche devrait adopter son propre enfant, comme elle le fait déjà après une PMA à l’étranger. Cette hypothèse n’est envisagée que par les opposants à l’ouverture de la PMA pour toutes, et donc au projet de loi en général.

[2] Pour ne pas compliquer l’exposé, on a choisi ici de se limiter au cas de don de sperme. Le don d’ovocyte a sa spécificité (le dédoublement de la maternité physique en une maternité génétique et une maternité gestationnelle qu’a permis la FIV), le secret du don repose sur d’autres bases que pour un don masculin, et le don d’ovocyte engage infiniment plus la donneuse que le don de sperme. Cependant, ces particularités importantes ne changent pas les coordonnées essentielles du débat sur la filiation, examiné ici.

[3] J. Carbonnier, Droit civil, tome 1, PUF 2004

[4] P. Jouannet, in Esprit, dossier « La filiation saisie par la biomédecine », mai 2009.

[5] Donor Conception, Ethical Aspects of Information Sharing, Nuffield Council on Bioethics, April 2013. p.186.