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Chine : la société dans les interstices du pouvoir

Historien

Ce 1er octobre, la Chine célèbre le 70e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine : occasion de faire l’état des lieux du lien entre le Parti communiste, l’État chinois et la société civile. Car s’il y a bien une part significative de Chinois prêts à protester malgré le danger croissant, la résilience du régime s’explique par sa capacité à absorber certaines aspirations de la société et à neutraliser toute organisation extérieure au Parti-État.

Le régime chinois fête en grande pompe, ce mardi 1er octobre, le 70e anniversaire de la fondation de la République populaire en 1949, s’approchant ainsi de la durée de vie des régimes autoritaires les plus durables, et promeut activement son projet de « deux centenaires » : celui du Parti communiste chinois (PCC) en 2021 et celui de la République populaire en 2049.

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Au-delà de la propagande, quels rapports entretient alors la société chinoise avec l’État dans un contexte où le contrôle politique s’est drastiquement accru au cours de la dernière décennie ? En l’absence de liberté de publication et d’association garanties par la loi il est certes difficile de parler d’une société civile, faute de corps intermédiaires capables de la structurer indépendamment de l’État. Pour les mêmes raisons, il est difficile de parler d’une opinion publique, puisque toutes ses expressions sont soumises à un faisceau de contraintes politiques qui la déforment. Néanmoins, il y a bien une société chinoise qui s’exprime, qui débat, et qui, sans être autonome et encore moins opposée à l’État, ne se superpose pas non plus à lui. On ne peut donc plus appliquer le schéma d’une société atomisée au sein de laquelle seuls quelques dissidents émettraient des opinions critiques.

La société opère toutefois sous de fortes contraintes. Depuis le second mandat (2007-2012) de Hu Jintao comme secrétaire général du PCC, et de façon encore accrue depuis le premier mandat de Xi Jinping (2012-2017), l’État applique une politique ciblée pour exercer une pression maximale sur ses critiques. Le document central no 9, une directive secrète de 2013 qui a fuité grâce à quelques journalistes bien introduits, identifie sept domaines qui sont interdits de discussion : le constitutionnalisme, les valeurs universelles, l’idée de société civile, le néolibéralisme économique, la liberté de la presse « à l’occidentale », le « nihilisme historique » (toute critique du rôle du Parti dans l’histoire de Chine), e


Sebastian Veg

Historien, Directeur d'études à l'EHESS