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La Tunisie, phare du Monde arabe

Journaliste

L’élection présidentielle tunisienne, remportée par le social-conservateur indépendant Kaïs Saïed, vient réaffirmer la position épicentrale du pays dans les bouleversements qui continuent de traverser le monde arabe, d’Egypte en Algérie ou d’Irak ou Liban… Alors que la situation marocaine n’est pas résolue et que le chaos s’empare du Nord-est syrien, la Tunisie parviendra-t-elle à poursuivre sa construction démocratique et à mettre en place les réformes politiques, économiques et sociétales tant attendues depuis 2011 ?

Le Printemps arabe est un frêle esquif qui continue de chercher sa voie à travers le brouillard du siècle. La Tunisie en est à la fois l’ancre, le phare, et le principal port d’attache. Dimanche dernier, il flottait comme un parfum de janvier 2011 sur l’avenue Bourguiba, au cœur de Tunis. À l’annonce de la victoire de Kaïs Saïed, plusieurs milliers de Tunisiens se sont rassemblés, fêtant cette victoire – nette, avec 72,71 % des suffrages et un taux de participation de 57,8 % – comme s’il s’agissait d’une nouvelle « révolution », le mot était lâché par plusieurs personnes présentes sur l’avenue.

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D’où vient cet enthousiasme d’une partie des Tunisiens qui, en moins de trois mois, ont choisi pour successeur d’un président, mêlé de près ou de loin aux intrigues du pouvoir depuis cinq décennies, un juriste totalement inconnu à l’échelle internationale et sans organisation politique ? Sans doute du sentiment qu’ils ne se sont pas battus pour rien, que cette nouvelle élection libre a fait naître chez eux. Du sentiment que contrairement à ce que le poids du marasme politique et de la triste situation économique et sociale du pays laisse penser, le peuple tunisien conserve une emprise sur le cours de son histoire.

Mais il y a aussi, et c’est indéniable, un phénomène Kaïs Saïed, qui a recueilli 2 777 931 voix au second tour, soit un million de plus que BCE en 2014 (1 731 529). À 61 ans, le nouveau président parle aux jeunes. Neuf sur dix ont voté pour lui, et c’est d’ailleurs l’un de évènements remarquables de son élection que cette capacité du nouveau président tunisien à les ramener vers la politique. Que leur dit-il ? Que tout n’est pas perdu. Qu’il est encore possible d’influer sur la lente déliquescence que le processus révolutionnaire tunisien a connu ses cinq dernières années. Qu’il est possible de renverser la table, de mettre fin au consensus paralysant des années Béji Caïd Essebsi pour un projet basé sur la création de conseils locaux et une démocratie loc


Pierre Puchot

Journaliste, spécialiste du Moyen-Orient