La gauche et les siens : enjeux (3/3)
La recherche des plus-values latentes
Loin de se réduire à un simple passage de témoin entre deux segments de la classe possédante, l’avènement d’un régime d’accumulation axé sur l’appréciation des actifs financiers conduit l’ensemble des agents économiques à redéfinir leurs priorités. Depuis longtemps déjà, les entreprises jaugent leur succès à la valeur que les bailleurs de fonds confèrent à leur titre plutôt qu’au volume de leur chiffre d’affaires : ainsi s’explique que la plupart des grandes firmes cotées en bourse utilisent plus volontiers leurs ressources pour racheter leurs propres actions sur le marché secondaire – de manière à les renchérir en les raréfiant – que pour recruter, augmenter les salaires de leurs employés ou investir dans leur outil de production. La portion du produit consacrée au rachat d’actions s’élève même aux dépens de la distribution des dividendes, tant il est vrai qu’à l’instar des entreprises dont ils détiennent des parts, les actionnaires se soucient plus encore de la valorisation que du rendement des actifs qui composent leur portefeuille.
Les sociétés cotées en bourse ne sont pas les seules institutions à accorder davantage d’importance aux plus-values latentes qu’aux résultats d’exploitation : la tendance est encore plus marquée dans le monde des startups, où les entrepreneurs les plus ambitieux ont appris à se faire apprécier tout en accumulant les pertes, mais aussi du côté des gouvernements, qui ne semblent pas avoir de préoccupation plus pressante que la bonne disposition des marchés obligataires à l’égard de leur dette.
C’est en effet pour rassurer les prêteurs, et plus généralement pour attirer les capitaux sur leur territoire, que les États veillent concurremment à alléger les impôts des plus fortunés, à assouplir le code du travail, à déréglementer les transactions financières, à rendre les programmes sociaux moins accessibles et à soumettre les services demeurés publics aux conditions de rentabilité du secteur