Politique

Placer l’écologie au centre des recompositions politiques : l’impossible défi d’EELV ?

Politiste

Revivifié par la prise de conscience de l’urgence climatique et l’émergence d’une convergence des luttes sociale et environnementale, Europe Ecologie – Les Verts espère remporter d’importantes victoires aux prochaines élections municipales. Convaincus qu’ils tiennent enfin leur moment historique, les Verts préfèrent, à ce stade, faire à leur manière. Après le « ni ni », « l’alliance préférentielle » avec le PS, la « gauche plurielle » et « l’autonomie », le parti vert affiche une nouvelle façon de vivre la fierté d’être écologiste : le rôle pivot dans des coalitions nouvelles.

Depuis près de quarante ans, les écologistes politiques alertent sur les dangers qui menacent la planète et la survie de l’humanité. Autant d’années passées à tenter de convaincre que la mise en œuvre de leurs propositions permettrait d’éviter le pire. Aujourd’hui, le pire fait l’actualité. Objectivé dans les rapports et les publications scientifiques, et porté par le succès médiatique des discours collapsologistes, il imprègne les imaginaires et suscite l’engagement de nouveaux convertis à l’écologie.

Dans un champ politique en recomposition et un climat social délétère, des voix s’élèvent pour forcer les dirigeants à agir. Le parti vert français n’entend pas manquer le moment. En campagne pour les élections municipales, il espère une vague verte qui justifierait sa double ambition : être le pivot de coalitions politiques nouvelles, et imposer son candidat, en 2022, comme unique recours à l’impasse du duel Le Pen / Macron.

Retour à la case « pouvoir » ?

Revigorés par les dernières élections européennes – ils sont arrivés troisièmes de ce scrutin avec 13,47 % des voix, étaient premiers à gauche et chez les 18-34 ans, ce qui a suscité une vague d’adhésions (un peu plus de 9 000 cette année) – les membres d’EELV clament haut et fort leur volonté d’exercer le pouvoir. Si celle-ci se trouve revivifiée par l’urgence climatique et les prémisses d’une convergence des luttes sociale et environnementale, elle est en réalité constitutive du projet partisan vert.

Pointant l’échec de la social-démocratie à réformer le capitalisme de l’intérieur, et celui des « états socialistes » à échapper au risque technocrato-nationaliste, les textes fondateurs du parti, rédigés en 1984, à défaut d’être très enthousiastes, étaient en effet très clairs : « La société que nous voulons tenter de construire[1] est aux antipodes de la société actuelle […] N’ayons pas l’illusion que les maîtres de la société actuelle nous laisseront faire. Au contraire, sachons bien qu’ils feront tout pour nous e


[1] Elle est ainsi définie : « douce, stable, non violente, conviviale et non pas policière, de démocratie et de liberté […] constituée d’être équilibrés, épanouis, conscients de ce qu’ils peuvent demander aux autres hommes et à la planète, et de ce qu’ils ne peuvent pas en attendre ».

[2] Ce terme qualifie l’un des courants constitutif de la « Révolution Conservatrice » qui s’est développée en Allemagne entre 1918 et 1933 en opposition à la République de Weimar. Notamment nourrie aux sources des romantismes et paganismes allemands, cette mystique du peuple a irrigué différentes formes d’antisémitisme.

[3] Serge Audier, La Société écologique et ses ennemis, Paris, La Découverte, 2017 et L’Âge productiviste, Paris, La Découverte, 2019.

[4] Il s’agissait alors de réaliser le meilleur score possible aux élections européennes (le 16,28 % que sa liste avait obtenu reste inégalé) et de préparer la fusion du parti vert et du mouvement Europe écologie.

[5] Vanessa Jérome, « Que faire du parti vert français ? », dans Daniel Gaxie et Willy Pelletier, Que faire des partis politiques ?, Paris, Éditions du Croquant, 2019.

[6] Par exemple, Pierre Charbonnier, Abondance et liberté, Paris, La Découverte, 2020.

Vanessa Jérome

Politiste, Chercheuse associée à l'Université de Victoria (Canada)

Notes

[1] Elle est ainsi définie : « douce, stable, non violente, conviviale et non pas policière, de démocratie et de liberté […] constituée d’être équilibrés, épanouis, conscients de ce qu’ils peuvent demander aux autres hommes et à la planète, et de ce qu’ils ne peuvent pas en attendre ».

[2] Ce terme qualifie l’un des courants constitutif de la « Révolution Conservatrice » qui s’est développée en Allemagne entre 1918 et 1933 en opposition à la République de Weimar. Notamment nourrie aux sources des romantismes et paganismes allemands, cette mystique du peuple a irrigué différentes formes d’antisémitisme.

[3] Serge Audier, La Société écologique et ses ennemis, Paris, La Découverte, 2017 et L’Âge productiviste, Paris, La Découverte, 2019.

[4] Il s’agissait alors de réaliser le meilleur score possible aux élections européennes (le 16,28 % que sa liste avait obtenu reste inégalé) et de préparer la fusion du parti vert et du mouvement Europe écologie.

[5] Vanessa Jérome, « Que faire du parti vert français ? », dans Daniel Gaxie et Willy Pelletier, Que faire des partis politiques ?, Paris, Éditions du Croquant, 2019.

[6] Par exemple, Pierre Charbonnier, Abondance et liberté, Paris, La Découverte, 2020.