De 14-18 au coronavirus : la démocratie comme « règlement de comptes »
L’une des caractéristiques les plus remarquables de la démocratie, c’est la capacité à encaisser les coups. Un gouvernement démocratique se grandit lorsqu’il accepte de plein droit et même en pleine crise le flot continu des critiques ; même quand elles sont dures ou acerbes. Il perd son crédit lorsqu’il croit pouvoir placer cette production sociale de la critique sous un coma artificiel. La réflexion vaut pour la crise actuelle du coronavirus mais elle peut aussi être éclairée par une comparaison avec le passé. Notamment avec le temps où la démocratie faisait face à la guerre il y a maintenant un peu plus d’un siècle.

Dans son allocution du 13 avril dernier, le ton d’Emmanuel Macron tranchait avec celui du 15 mars, quand il prenait explicitement Clemenceau pour référence. Le président de la République ne parlait plus seulement au nom de l’action pure, mais semblait prêt à rendre des comptes, et a dressé – peut-être pour répondre à la demande sociale qu’il sentait monter – la liste des manquements dans la gestion de la crise. En concluant sur le retour des « jours heureux », titre du programme établi en 1944 par le CNR, il est aussi passé d’une référence à la grande guerre, à l’évocation de la Résistance.
La capacité à encaisser les coups fut pourtant l’une des grandes leçons de la première guerre mondiale. Avant 1914, il était courant de classer les régimes politiques avec d’un côté ceux qui étaient réputés faibles, comme la France de la IIIe République, et, de l’autre, ceux qui étaient supposés forts comme l’Allemagne impériale. Dans le premier cas, les gouvernements se plaçaient sous le feu de la critique, dans l’autre ils se protégeaient des critiques. Avec le spectacle des crises ministérielles, le régime français donnait le sentiment d’être un régime faible alors que le régime allemand, en plaçant le chancelier à l’abri d’une mise en jeu de la responsabilité par le Reichstag, avait acquis la réputation d’un régime fort. Pourtant, en quatre années de guerre, t