Comment le Covid-19 bouscule la perspective de l’action climatique
Dans un article qui fait beaucoup réfléchir, Bruno Latour écrit : « Je fais l’hypothèse, comme beaucoup, que la crise sanitaire prépare, induit, incite à se préparer à la mutation climatique. Encore faut-il tester cette hypothèse ». Et d’ajouter quelques lignes plus tard : « Dans la mutation écologique, l’agent pathogène dont la virulence terrible a modifié les conditions d’existence de tous les habitants de la planète, ce n’est pas du tout le virus, ce sont les humains ! ». Du coup, l’hypothèse à tester résiste assez mal à l’analyse. La crise sanitaire ne nous prépare pas directement à la mutation climatique. Le philosophe nous rappelle qu’il n’y a aucune transposition directe pertinente entre l’action des gouvernements face à la pandémie et celle qu’ils mettent, ou devraient mettre en œuvre, face au réchauffement global.

Nous seulement l’agent pathogène n’est pas le même, mais la temporalité des « urgences » est bien différente. Face à l’urgence sanitaire, l’action se conduit d’heure en heure. Chaque jour perdu pèse lourdement sur l’issue de la bataille. Face à l’urgence climatique, c’est sur des décennies qu’il faut conduire l’action en raison du rythme implacable de l’horloge climatique. L’une des difficultés majeures pour les sociétés démocratiques sera de gérer cette discordance des temps entre le moment où s’engage l’action et celui où la population en percevra les effets bénéfiques sur le climat[1]. Mais refuser les raccourcis faciles ne signifie en aucun cas que la gestion de la crise sanitaire sera sans impact sur celle de la crise climatique. Simplement, ces impacts seront indirects, souvent inattendus et déjoueront les pronostics les plus avertis.
Hypothèses sur la létalité et la durée de la pandémie
D’après les travaux de l’épidémiologiste Antoine Flahault, le monde contemporain a connu trois pandémies : la grippe espagnole de 1918-19 et deux épisodes de grippe en 1957 et 1968. Les impacts de cette quatrième pandémie vont dépendre de sa dangerosité qu’