Réanimation sous pression : Covid-19, gouvernance et transformations du soin
Souvent méconnus du grand public, les services de réanimation sont au cœur de l’actualité liée au coronavirus : quotidiennement, les journaux font état du nombre de malades pris en charge dans ces services. Depuis le 28 mars 2020, ils s’intéressent également à l’objectif affiché par le ministre de la Santé d’ouvrir 9 000 lits supplémentaires pour appuyer les 5 000 lits déjà occupés.
Cet objectif détonne pourtant avec les politiques des vingt-cinq dernières années en matière d’investissement dans les infrastructures publiques en santé : de 2013 à 2018, environ 17 500 lits ont fermé, soit 4,2% du nombre total de lits en hospitalisation complète. L’ambition affichée par le gouvernement est d’autant plus surprenante que les services de réanimation figurent parmi les plus coûteux de l’hôpital avec un coût moyen journalier compris entre 1 700 et 3 000 euros par patient[1].
L’objectif de réduction des dépenses hospitalières semble donc être passé au second plan des priorités gouvernementales en ces temps de « guerre sanitaire ». C’est cependant sur le système hospitalier qu’il contribue à façonner (multiplication des procédures, paiement à la performance, évaluation des pratiques, benchmark, audits, etc.) que s’organisent aujourd’hui des soignants de réanimation parfois débordés. La question mérite d’être posée : la nouvelle gouvernance hospitalière, dont on rappellera que l’objectif est « l’amélioration de la qualité des soins par la régulation et l’efficience[2]», a-t-elle permis une gestion efficace de la crise sanitaire dans les services de réanimation ?
Au premier abord, on serait tenté de répondre non. Non, en raison du manque apparent de lits, de masques, de respirateurs, de personnels, de solution hydro-alcoolique, de médicaments, voire même de services entiers dans certaines régions de l’est de la France… Ce constat doit néanmoins être nuancé, en particulier pour ne pas laisser dans l’invisibilité la singularité des soins de réanimation. Il s’agit donc