Santé

Quel sens donner aux comportements à risque face au Covid-19  ?

Sociologue

Tout le monde connaît les gestes barrière préconisés par le gouvernement, et sait l’importance qu’ils ont pour la santé, au plan collectif comme au niveau individuel. Pourtant, beaucoup d’entre nous transigent avec leur application, lors des retrouvailles avec des amis par exemple, ou s’agissant du port du masque. Chacun a de « bonnes excuses » pour agir ainsi, mais outre ces justifications ad hoc, ces comportements doivent être expliqués rationnellement si l’on veut mener des campagnes de prévention véritablement efficaces.

Alors que le déconfinement est engagé, la politique de prévention à l’égard de l’infection à coronavirus repose de plus en plus sur la responsabilité des individus et leur capacité à mettre en œuvre les mesures appropriées. Comment expliquer que beaucoup de personnes se conforment, dans la situation actuelle, aux normes de prévention édictées par les gouvernements, mais aussi comment comprendre les très nombreux « écarts » par rapport aux nouvelles règles sanitaires ?

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S’agit-il de dispositions individuelles, certaines personnes étant soucieuses du risque pour la santé, tandis que d’autres n’en ont pas de représentations ? Peut-on croire que les acteurs individuels sont rationnels et agissent avec la préservation de la santé comme unique objectif ?

La reprise de différents travaux de recherche portant sur la prévention en matière d’alimentation et sur la gestion du risque du sida conduisent à mettre en évidence l’importance du contexte dans lequel les individus interagissent si l’on veut comprendre le sens des comportements associés à la santé. Celle-ci est souvent prétexte et vecteur d’autres logiques.

Pour saisir le sens des comportements de santé, le port du masque par exemple, il s’agit alors de développer une approche de science sociale attentive aux multiples significations qui leur sont associées. Sans remettre en cause les politiques d’information systématiques développées pour lutter contre l’épidémie, il importe d’engager une réflexion et d’imaginer des messages de prévention qui tiennent compte de la diversité des situations et des contextes relationnels dans lesquels les mesures barrières sont mises en œuvre.

Comprendre la transgression des normes de santé

Tout a été dit sur l’épidémie de Covid-19 et sur la manière de se protéger de la contamination. Les expressions « distanciation sociale » ou « distanciation physique », qui n’avaient pas d’existence en français, sont passées dans le langage courant. On a vu le président de la République et le


[1] « Les modèles psychosociologiques dominants, qui postulent qu’il est rationnel dans tous les cas de rechercher une sécurité absolue, sont insatisfaisants. » Cf. Jean-Paul Moatti, Nathalie Beltzer, William Dab, « Les modèles d’analyse des comportements à risque face à l’infection à HIV : une conception trop étroite de la rationalité »Population, n° 5, 1993, p. 1505.

[2] Luc Boltanski, « Les usages sociaux du corps », Annales. Histoire, Sciences Sociales,26(1), 1971, p. 205-233.

[3]  Luc Boltanski, op.cit., p. 12.

[4] Laura Cardia-Vonèche, Benoit Bastard, « Principes diététiques et fonctionnement familial. Une analyse de la formalisation et de la diffusion des normes en matière d’alimentation », in François Chazel, Jacques Commaille (éds.), Normes juridiques et régulation sociale, Paris, LGDJ, 1991, p. 343-355.

[5] Op. cit. p. 51.

[6] Benoit Bastard, Laura Cardia-Vonèche, « Évolution des relations affectives et sexuelles au temps du sida. Une étude sociologique auprès de personnes séparées ou divorcées », Dialogue, n° 121, 1993, p. 50-56.

[7] Une synthèse de ces analyses figurent dans l’article suivant : Laura Cardia-Vonèche, Benoit Bastard, « Préoccupations de santé et fonctionnement familial », Sciences Sociales et Santé, n° 13-1, 1995, p. 65-80.

[8] On le voit bien quand on entend le témoignage d’habitants de zones peu peuplées et peu touchées par la contagion qui ont respecté le « restez chez vous » le plus scrupuleusement possible.

[9] Moatti et al., article cité, p. 1055.

[10] Voir les réflexions engagées par un groupe de chercheurs dans le cadre de la lutte contre la transmission du VIH. « Sciences sociales et stratégies de communication sur la prévention », ANRS information, n° 12, 1994.

[11] Voir : Valentin Pérez, « Le masque, un futur accessoire de mode ? », Le Monde, 9 avril 2020.

Benoit Bastard

Sociologue, Directeur de recherche émérite au CNRS

Rayonnages

SociétéSanté

Mots-clés

Covid-19

Notes

[1] « Les modèles psychosociologiques dominants, qui postulent qu’il est rationnel dans tous les cas de rechercher une sécurité absolue, sont insatisfaisants. » Cf. Jean-Paul Moatti, Nathalie Beltzer, William Dab, « Les modèles d’analyse des comportements à risque face à l’infection à HIV : une conception trop étroite de la rationalité »Population, n° 5, 1993, p. 1505.

[2] Luc Boltanski, « Les usages sociaux du corps », Annales. Histoire, Sciences Sociales,26(1), 1971, p. 205-233.

[3]  Luc Boltanski, op.cit., p. 12.

[4] Laura Cardia-Vonèche, Benoit Bastard, « Principes diététiques et fonctionnement familial. Une analyse de la formalisation et de la diffusion des normes en matière d’alimentation », in François Chazel, Jacques Commaille (éds.), Normes juridiques et régulation sociale, Paris, LGDJ, 1991, p. 343-355.

[5] Op. cit. p. 51.

[6] Benoit Bastard, Laura Cardia-Vonèche, « Évolution des relations affectives et sexuelles au temps du sida. Une étude sociologique auprès de personnes séparées ou divorcées », Dialogue, n° 121, 1993, p. 50-56.

[7] Une synthèse de ces analyses figurent dans l’article suivant : Laura Cardia-Vonèche, Benoit Bastard, « Préoccupations de santé et fonctionnement familial », Sciences Sociales et Santé, n° 13-1, 1995, p. 65-80.

[8] On le voit bien quand on entend le témoignage d’habitants de zones peu peuplées et peu touchées par la contagion qui ont respecté le « restez chez vous » le plus scrupuleusement possible.

[9] Moatti et al., article cité, p. 1055.

[10] Voir les réflexions engagées par un groupe de chercheurs dans le cadre de la lutte contre la transmission du VIH. « Sciences sociales et stratégies de communication sur la prévention », ANRS information, n° 12, 1994.

[11] Voir : Valentin Pérez, « Le masque, un futur accessoire de mode ? », Le Monde, 9 avril 2020.