Rediffusion

Violences policières en France : production de connaissances et mise en évidence d’un problème public

Sociologue, sociologue

Loin de n’être qu’un écho aux mobilisations américaines consécutives au meurtre de George Floyd, les manifestations contre les violences policières racistes qui ont réuni dans toute la France en juin des milliers de personnes s’inscrivent dans un mouvement qui a vu, depuis une quinzaine d’années, différents acteurs et collectifs produire des connaissances publiques à propos des inégalités raciales et sociales associées aux contrôles d’identité, de l’ampleur des interventions policières mortelles et de la faiblesse des condamnations. Rediffusion du 10 juin 2020.

Le débat sur les violences policières et le racisme au sein de la police est au cœur de l’actualité en France. Plusieurs rassemblements ont été organisés pour demander « vérité et justice » pour Adama Traoré, Angelo Garand, Wissam el Yamni, entre autres. Parallèlement, le Défenseur des droits a rendu une décision dénonçant un racisme systémique dans les pratiques de la police du 12e arrondissement de Paris, dans le cadre d’une procédure judiciaire en cours.

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Dans ce contexte, débats et controverses se multiplient. Certains y voient une tentative de profiter de l’actualité états-unienne pour importer des problématiques qui n’ont pas lieu d’être en France. D’autres soulignent la récurrence du problème en France, citant des précédents anciens tels que la mort de Malik Oussekine voire les violences de l’ordre colonial.

Pour comprendre l’ampleur des manifestations récentes, la décision du Défenseur des droits, et le débat public actuel, il est éclairant de les mettre en perspective, au regard du travail de longue haleine mené par des victimes, des militants, et des experts, entamé il y a plusieurs décennies, pour rendre visible et dénoncer des pratiques policières et judiciaires abusives, violentes, et discriminatoires en France.

Dès les années 1970 et 1980, les rébellions urbaines contestant les violences policières envers les populations immigrées dans la banlieue lyonnaise ont été l’un des vecteurs de la mobilisation pour la Marche pour l’Égalité et Contre le Racisme de 1983. Dans les années 1990, le Mouvement de l’Immigration et des Banlieues a formé une génération de militants dans les quartiers populaires qui ont construit un répertoire d’actions pour demander « vérité et justice » suite à plusieurs décès causés par la police (marches, contre-enquêtes, suivi approfondi de l’enquête judiciaire, communication avec les médias). Dans la continuité de ces luttes, des familles de victimes de violences policières, des militants des quartiers populaires et des


[1] Magda Boutros, The true color of police violence : How activists expose racialized policing in colorblind France, thèse de sociologie, Northwestern University, soutenue en mai 2020.

[2] Open Society Justice Initiative, « Police et minorités visibles les contrôles d’identité à Paris », Open Society Institute, 2009

[3] Défenseur des Droits, « Enquête Sur l’accès Au Droit Volume 1: Relations Police / Population, Le Cas Des Contrôles d’identité », 2017

Magda Boutros

Sociologue, Post-doctorante à Brown University

Liora Israël

sociologue, directrice d'études à l'EHESS

Notes

[1] Magda Boutros, The true color of police violence : How activists expose racialized policing in colorblind France, thèse de sociologie, Northwestern University, soutenue en mai 2020.

[2] Open Society Justice Initiative, « Police et minorités visibles les contrôles d’identité à Paris », Open Society Institute, 2009

[3] Défenseur des Droits, « Enquête Sur l’accès Au Droit Volume 1: Relations Police / Population, Le Cas Des Contrôles d’identité », 2017