Politique

Le Conseil de Défense : dérive autoritaire ou régime de nécessité ?

Historien

Depuis le début de la crise sanitaire, et c’est encore le cas cette semaine, la séquence se répète : un Conseil de défense et de sécurité nationale précède toute annonce de nouvelles mesures, qu’elle soit gouvernementale comme ce jeudi 14 janvier, ou présidentielle. Ce Conseil de défense a une histoire longue dans la tradition républicaine française, et dans la volonté du politique d’affirmer son pouvoir de décision, contre l’administratif. S’il déroge à la marche normale des pouvoirs traditionnels, fondés sur la concertation et la délibération, on ne peut toutefois se contenter d’en faire une critique classique.

Il y a une scène dans le film Titanic où l’on peut voir de manière saisissante ce que signifient quelques malheureuses secondes dans la gestion d’une catastrophe imminente. On se souvient de la séquence : elle commence par les deux marins qui occupent le poste de vigie et qui aperçoivent en premier l’iceberg, elle se poursuit avec le second commandant du bateau qui prend le relais de l’alerte (le capitaine étant absent) et avec un autre marin qui tient le gouvernail et tente de dévier la trajectoire du bateau, elle continue encore avec plusieurs autres maillons de la chaîne d’exécution qui se trouvent dans la salle des machines et tentent d’appliquer tant bien que mal l’ordre « Arrière toute ! » ; elle se termine par le capitaine qui survient enfin mais un peu tard. Tout au long de ces enchaînements, un temps précieux a été perdu : le Titanic évite le choc frontal mais pas la cassure de la coque qui a heurté l’iceberg par la tangente. La suite, on la connaît…

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Ces quelques secondes de perdues (que l’on peut retranscrire en semaines voire en jours dans la pandémie actuelle), le gouvernement français tente de les éviter par le recours à un organe qui est devenu central dans sa stratégie contre la Covid-19 : le Conseil de défense et de sécurité nationale (CDSN). Le syndrome est le même que pour le Titanic : il faut raccourcir la chaîne de commandement, gagner du temps, améliorer le processus de décision et d’exécution. Pour cela, le Conseil réunit autour du président de la République aussi bien les « officiers » (le Premier ministre et les ministres concernés) que les « chefs machinistes » (certains hauts fonctionnaires). Il se veut ainsi un accélérateur du « decision-making ».

Avec l’unité de temps, de lieu et d’action, tout est fait pour éviter de se perdre dans une cascade de réunions interministérielles, de subir les remontées chaotiques de l’information ou l’accumulation d’intermédiaires administratifs. À la limite, le premier souci du Président entouré


Nicolas Roussellier

Historien, Enseigne à Sciences Po et à l’Ecole Polytechnique

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