Suppression de l’ENA : effet d’annonce ou annonce suivie d’effets ?
On ne sait s’il faut se référer à Sun Tzu, Machiavel ou Clausewitz, mais l’effet de surprise a été total. Dévoilés par une radio le jeudi 8 avril 2021 au matin, la suppression de l’ENA et son remplacement par un nouvel établissement – dont on apprenait dans la soirée qu’il porterait le nom, au demeurant peu mobilisateur, d’Institut du Service public – étaient actés par le président de la République lors d’une conférence en ligne devant les 600 plus hauts fonctionnaires du pays.

« Bien joué », écrivait l’éditorialiste du Monde quelques heures plus tard, traduisant une opinion largement partagée, sinon par le président de l’association des anciens élèves, qu’on ne pouvait imaginer dans un autre registre et par des chefs de l’opposition marris d’un coup politique permettant au « jeune-président-rénovateur-malgré-la-pandémie » de rebondir, au demeurant sur un sujet populaire. Même les lecteurs du Figaro approuvaient à plus de 60% la décision.
Tenu par le devoir de réserve, le directeur de l’ENA était muet. Qu’aurait-il pu dire, sinon qu’il avait joué trop gros en se lançant dans un bras de fer avec sa tutelle ? Les choses pourtant semblaient lui réussir : faisant approuver par son conseil d’administration une réforme des concours puis une réforme de la formation, montrant de l’allant dans la mise en place d’un cinquième concours d’entrée, inspiré de loin par l’Affirmative Action en vogue dans les universités américaines des années 1970 aux années 1990, il pensait avoir écarté à la fois le spectre du rapport Thiriez, en veilleuse depuis un an, et plus menaçante, l’annonce présidentielle d’avril 2019 annonçant, à l’issue du grand débat national censé éteindre la crise des Gilets jaunes, sa volonté de supprimer l’ENA.
Quelqu’un écrira un jour l’histoire des stratégies mises en œuvre durant ces deux années, et ce sera fort intéressant. On s’y sentira par moment en plein roman-feuilleton, où ne manqueront ni les preux défenseurs de la forteresse assiégée – Édouard