Politique

Le crépuscule de l’autonomie locale – sur les régionales et départementales

Sociologue, Politiste, Politiste

Parmi les nombreuses explications que l’on peut avancer pour l’abstention massive lors des dernières élections régionales et départementales, il y en a une qui a été trop négligée : l’échec de la décentralisation. Ou plutôt, la trahison de l’idée décentralisatrice durant les quinze dernières années, au cours desquelles les gouvernements successifs ont entrepris de dévitaliser l’autonomie locale – malgré les discours contraires – au nom de velléités d’économie budgétaire, qui sont d’ailleurs loin d’être au rendez-vous.

Les récentes élections régionales et départementales ont été marquées par des taux d’abstention records, qui ont suscité une floraison de commentaires et d’analyses. Parmi les nombreuses explications de cette désaffection, il en est une qui nous parait avoir été insuffisamment mise en avant : l’évidement politique des régions et des départements, victimes de deux décennies de réformes territoriales erratiques.

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En 1986, les premières élections régionales françaises avaient mobilisé trois électeurs sur quatre au premier tour et quatre sur cinq au second. Un an plus tôt, les élections cantonales avaient quant à elles fait déplacer deux électeurs sur trois. Trente ans plus tard, en 2015, la moitié des inscrits ne s’étaient pas déplacés pour le second tour des cantonales et 42% d’entre eux avaient fait de même pour les régionales. La chute de la participation s’est prolongée en juin dernier, ces deux élections n’attirant dans les bureaux de vote qu’un tiers des inscrits.

Le mouvement de retrait des urnes constitue une dynamique lourde qui touche tous les scrutins, à l’exception de l’élection présidentielle, et le pic observé lors des dernières élections locales s’explique en grande partie par des facteurs contextuels spécifiques : campagne électorale de faible intensité du fait des contraintes liées à la crise sanitaire ; concomitance des scrutins régionaux et départementaux qui obscurcit les enjeux propres à chacune de ces élections que l’immense majorité des électeurs peine à saisir en raison d’une distribution ésotérique des compétences entre collectivités; illisibilité du paysage politique longtemps structuré par un axe droite-gauche qui facilitait le repérage et le décryptage de l’offre…

Il n’en reste pas moins que le niveau de la non-participation à l’élection des conseillers régionaux et départementaux marque un désaveu pour des pouvoirs locaux dont la montée en puissance devait, pour les promoteurs de la décentralisation, revivifier la démocratie. Cette


 

Renaud Epstein

Sociologue, maître de conférence en science politique à Sciences Po Saint Germain en Laye

Thomas Frinault

Politiste, Maître de conférences en science politique à l'université Rennes 2, chercheur au laboratoire Arènes

Gilles Pinson

Politiste, Professeur à Sciences Po Bordeaux et chercheur au Centre Émile Durkheim

Notes