En finir avec les récits de la ville malade
Avec la crise sanitaire, la question de la santé revient sur la scène de l’urbanisme. Alors que des citadins épuisés par des mois de confinement déménagent en périphérie des métropoles, les élus des grandes villes multiplient les initiatives écologiques, sans doute pour les retenir. Des promoteurs, des bailleurs sociaux et des architectes réfléchissent à d’autres modes d’habitat.
On doit s’interroger sur l’éternel recommencement, voire le bégaiement, des discours proposant chaque fois de répondre à une « crise » supposée de la ville. Au cours de la longue histoire des villes, que de discours, d’articles, de rapports et d’enquêtes sur les quartiers insalubres, le mal des grands ensembles, les quartiers gentrifiés et les petites villes. Chaque fois, les récits de la ville qui va mal enjoignent d’organiser, de rationaliser, et avant tout « d’hygiéniser » les territoires et les comportements sociaux.

Ces récits mobilisent volontiers la réalité médicale, quand elles ne l’emploient pas comme une métaphore. Ils sont repérables, dans les textes politiques, dans les géographies littéraires, dans les rapports d’expertise et de sciences sociales. Ils illustrent depuis le XIXe siècle une sempiternelle répétition. Comme les îlots insalubres parisiens au début du XXe siècle, les campements, les bidonvilles et les taudis contemporains sollicitent nos regards et nos jugements. Comme en 1950, la pratique de la rénovation urbaine revient en 2000 suivant le mot d’ordre radical des politiques : démolir et reconstruire. À chaque modernité nouvelle, les sociétés urbaines sont prises par la folie de détruire puis retrouvent les accents d’une passion patrimoniale qui les conduisent à rechercher des espaces préservés.
Peut-on écrire la sociologie du récit de la ville malade obsédant l’histoire urbaine à la manière d’un ostinato ? Nous avons tenté d’y répondre répondre en présentant trois récits de la ville malade, issus d’enquêtes : les ilots insalubres au début du XXe siècle, la