Ce que la « révolution du streaming » fait vraiment à la musique
La « révolution du streaming » est l’une des dernières déclinaisons du leitmotiv de la « révolution numérique » : on ne produirait, on ne diffuserait et on n’écouterait désormais plus de la musique de la même manière avec les outils et médias comme Spotify, Soundcloud, Deezer, YouTube ou Apple Music.

Le déterminisme technique, ce réflexe intellectuel selon lequel des innovations techniques vendues à grande échelle seraient à l’origine de changements majeurs dans la société et la vie quotidienne, joue à plein. Qu’importe le fait que, pour l’instant, les études d’usage relativisent largement la place de l’offre classée et poussée par des algorithmes par rapport aux recommandations entre proches ; que le format album soit loin d’avoir cédé la place ; et que, parmi les chercheurs, on ait régulièrement mis en avant des continuités avec ce que Sophie Maisonneuve avait appelé la discomorphose – soit la recomposition progressive, au début du siècle dernier, des rapports à la musique autour du système du disque et du phonographe, puis de ses évolutions successives [1].
L’intérêt public pour les effets des produits technologiques et des médias numériques sur nos pratiques n’a d’égale que les promesses en ce sens des entreprises qui les financent. Le problème avec le fait de réfléchir de cette manière, c’est qu’on imagine alors que tout, dans ce qui se passe sous nos yeux, procède de la supposée « nouvelle donne » du streaming et de la puissance de ses promoteurs. En faisant cela, on en oublie peu à peu de s’intéresser aux mouvements par lesquels la musique est toujours-déjà en train d’évoluer selon les lignes d’une foule de tendances sociales, économiques et politiques, de l’exploitation des formes concert et festival par l’industrie du tourisme à la financiarisation accrue du droit d’auteur. Des changements de long terme, qui s’étendent bien au-delà de la rencontre entre les stratégies de plateforme de quelques entreprises et les nouvelles techniques de diffusion e