Rediffusion

Qui sont les Taliban ?

Politiste

Fin avril, Gilles Dorronsoro expliquait pour AOC que le retrait de l’armée américaine en Afghanistan mettrait nécessairement en position de force les Taliban. Mais sans doute ces derniers ont-ils surpris en conquérant Kaboul de manière aussi fulgurante. Après avoir été longtemps sous-estimés, les vingt ans de guerre acharnée ont conduit le mouvement à de nombreuses transformations. Rediffusion du 30 avril 2021

Le retrait occidental d’Afghanistan met les Taliban en position de prendre le pouvoir dans les prochains mois ou, à défaut, d’être le principal acteur politico-militaire d’une nouvelle phase de la guerre civile. Le moment est donc bien choisi pour rappeler ce que l’on sait – et ne sait pas – d’un mouvement qui, depuis sa formation en 1994, a souvent été mal compris, ce qui a grandement contribué à la défaite de l’OTAN. La nature du mouvement n’a pas d’ailleurs pas qu’un intérêt historique dans la mesure où les Taliban sont aujourd’hui un interlocuteur incontournable et que leur retour au pouvoir aurait des implications importantes pour la sécurité occidentale. Nous présenterons successivement quelques fausses idées sur le mouvement, son projet politique et, enfin, ses possibles évolutions.

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Comme l’ont montré les conflits contre le régime baasiste et l’État islamique, il est habituel pour les militaires occidentaux de surévaluer les forces adverses. Il est d’autant plus surprenant que la coalition, malgré une situation sécuritaire de plus en plus difficile, a continué pratiquement jusqu’à la décision de retrait de sous-estimer son ennemi. Le discours dominant – des experts jusqu’aux généraux otaniens en passant par les médias – a présenté le mouvement comme « chaotique », « inorganisé », « moyenâgeux ». En réalité – ce qui montre l’épaisseur du filtre idéologique – tous les éléments empiriques étaient là pour attester du contraire, notamment un système judiciaire bien organisé, un appareil de propagande efficace et une discipline interne raisonnablement respectée.

Ces faits reflètent la nature centralisée du mouvement et, en particulier, l’existence d’une direction soudée par une socialisation commune. En effet, les leaders talibans à l’origine de la formation du mouvement sont des religieux passés par les mêmes madrassas, en premier lieu la madrassa Haqqaniyya (située au Pakistan). La solidarité de ce groupe a permis la continuation du mouvement, même aprè


Gilles Dorronsoro

Politiste, Professeur de science politique à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, membre senior de l'IUF