Liban : capitalisme, État et pouvoir en crise
Le 14 octobre 2021, des combats de rue éclatent à Beyrouth, non loin de l’endroit qui fut le départ de la guerre civile, le 13 avril 1975. Bien que le contexte politique soit très différent, nombre d’observateurs sérieux s’inquiètent. Il est sans doute utile de rappeler que l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, est à l’origine de ces échanges meurtriers. Certains dénoncent la politisation de la justice, d’autres estiment que le Hezbollah empêche la marche normale de ce qui reste de l’État de droit.

Il n’en reste pas moins que cet événement du 14 octobre, tout comme l’explosion du 4 août, démontrent une crise profonde des institutions de l’État. Or, c’est précisément cette crise de l’État qui est à l’origine de la crise financière puis de l’effondrement global de l’économie. L’apparente prospérité du capitalisme libanais des trente dernières années et sa chute doivent donc être comprises à la lumière d’une économie profondément politique.
L’effondrement du Liban a pu constituer une surprise : ce pays n’a-t-il pas été considéré comme la « Suisse du Moyen-Orient » des années 1950-1960 ? Après les quinze années de guerre « civile » (1975-1990), n’a-t-on pas vanté la fameuse résilience libanaise qui aurait permis de surmonter bien des difficultés, notamment celle qui sont dues au contexte géopolitique ?
L’autre surprise est politique : en dépit du tel désastre, les parties prenantes du système politique se sont refusées à constituer un gouvernement pendant 13 mois ! Une décision aussi importante que le contrôle des capitaux a même été prise par l’Association libanaise des banques avant d’être ratifiée par la banque centrale. C’est donc un pouvoir privé qui a fait la loi.
Que le lecteur ne s’étonne toutefois pas outre mesure : le Liban est le seul pays au monde dont l’armée reçoit une aide militaire des États-Unis et de l’Iran, c’est-à-dire qu’il n’y a sans doute pas d’État au sens classique[1] du terme mais plutôt une sorte de gouvernan