Hong Kong : la fin d’une parenthèse de 30 ans
Le 19 décembre ont eu lieu à Hong Kong des élections pour un Conseil législatif (LegCo) profondément remanié. Pour beaucoup d’observateurs, ces élections marquent la fin d’un cycle politique ouvert en 1991, l’année où pour la première fois, certains membres du LegCo ont été élus au suffrage universel direct (18 sièges sur 60).
Conformément aux promesses inscrites dans la Loi fondamentale de Hong Kong, leur nombre n’avait cessé d’augmenter, atteignant 40 sièges sur 70 élus en 2012 et 2016. Les élections de 2021 marquent un recul massif de cette proportion (20 sur 90), mais aussi, plus largement, de la légitimité de l’élection. Les élections de 1991 avaient également marqué la fondation des principaux partis politiques de Hong Kong, après une longue période où le gouvernement colonial souhaitait éviter la politisation et encourageait le « professionnalisme » et la cooptation de personnalités « indépendantes ».
Aujourd’hui, on voit revenir au LegCo une proportion significative de personnalités sans affiliation partisane, alors même que certains partis importants se sont sabordés. Plus largement, si les pouvoirs du LegCo ont toujours été assez limités, et les pouvoirs de l’opposition en son sein encore plus, il était tout de même parvenu à asseoir sa légitimité en devenant une caisse de résonance importante pour l’opinion publique. Ce rôle semble désormais s’éloigner, à la faveur, peut-être, d’une fonction de coordination des différents points de vue au sein du camp pro-Pékin, arbitré par le Bureau de liaison du gouvernement central de Hong Kong.
La « grande restructuration » de Hong Kong
Dans le cadre de la grande restructuration mise en chantier par le gouvernement central après les manifestations massives de 2019, la mise en place d’une loi de sécurité nationale le 1er juillet 2020[1] s’est également accompagnée d’une refonte complète du système électoral. Dans les deux cas, la méthode choisie a été contestée sur le plan juridique. Les réformes électorales ont été adoptées par l’Assemblée nationale populaire (ANP) à Pékin, qui détient certes le pouvoir constitutionnel suprême sur le statut de Hong Kong, mais qui en cette instance n’a pas suivi la méthode prévue aux annexes 1 et 2 de la Loi fondamentale, contournant les institutions de Hong Kong.
Depuis 2016, les autorités centrales (l’ANP) sont intervenues de manière de plus en plus marquée dans le fonctionnement du LegCo. En 2016, le camp pro-démocratie avait remporté un succès marquant, avec 29 élus sur 70 (dont 22 sur 40 parmi les sièges élus au suffrage universel direct). Alors que plusieurs représentants de nouvelles organisations issues du mouvement des parapluies (2014) avaient été élus, certains d’entre eux ont voulu marquer leurs réserves lors de la prestation de serment en ralentissant le débit, en exhibant des objets marquant leur désaccord (drapeau indépendantiste, parapluie jaune), ou en ajoutant des paroles injurieuses à l’égard de la République populaire.
L’ANP s’est engouffrée dans cette brèche en adoptant une interprétation de la Loi fondamentale encadrant la prestation de serments, ce qui a permis de déchoir de leur mandat (« disqualifier ») une série de députés démocrates : deux en 2016, puis quatre en 2017, puis deux en 2018 (tous sur décision des tribunaux hongkongais), puis encore quatre en 2020, cette fois directement sur une décision de l’ANP, selon une procédure inédite, ce qui a entrainé la démission de presque tous les députés restants du camp démocrate. Ces disqualifications s’accompagnent généralement d’une obligation de rembourser toutes les dépenses courantes effectuées sur le budget du LegCo depuis la prise de fonctions, ainsi que dans certains cas, l’ensemble des rémunérations perçues depuis la prise de fonctions.
De plus, au fur et à mesure, la procédure de « disqualification » s’est propagée des élus vers les candidats, qui ont souvent été écartés de manière préemptive avant les élections si l’on jugeait qu’ils n’étaient pas capables de prêter serment de manière « sincère ». De proche en proche, s’est mise en place une procédure de filtrage des candidats excluant une bonne partie de l’opposition pro-démocrate.
Pour Pékin, le LegCo était devenu un lieu d’obstruction, où la minorité démocrate parvenait à bloquer les initiatives du gouvernement hongkongais, en l’absence croissante de concertation entre les différents camps. À l’été 2020, peu après la promulgation de la loi sur la sécurité nationale, le camp démocrate a organisé des « primaires citoyennes » en vue des élections législatives prévues au début de septembre 2020. Malgré les mises en garde du gouvernement hongkongais et des autorités centrales, 600 000 personnes ont participé à cette consultation (environ la moitié du nombre de voix obtenues par les démocrates lors des législatives de 2016).
Grâce aux primaires, certains démocrates se montraient confiants dans la possibilité d’obtenir pour la première fois une majorité au LegCo (en remportant environ deux tiers des sièges élus au suffrage direct), et envisageaient d’utiliser cette majorité pour entraver le fonctionnement du gouvernement. Pékin a pris cette menace très au sérieux, puisque le report de l’élection a été annoncé par la Chef de l’exécutif dès le 31 juillet, invoquant la situation sanitaire (Hong Kong connaissait alors un pic d’une centaine de cas de Covid par jour).
L’ANP s’est saisie de la question dès sa session d’août et a prorogé le mandat des membres restants de l’assemblée de 2016 pour une durée d’au moins un an, puis à nouveau en novembre, en « disqualifiant » quatre députés démocrates. Enfin, en janvier 2021, 53 candidats à la « primaire citoyenne » ont été arrêtés et mis en examen pour « subversion » au titre de la loi de sécurité nationale. Seulement un tiers environ d’entre eux ont bénéficié depuis lors d’une mise en liberté conditionnelle pendant la durée de l’instruction (le procès pourrait n’avoir lieu qu’en 2023).
La réforme électorale de 2021 et les élections législatives
En mars 2021, l’ANP a donc adopté une réforme électorale profonde justifiée au nom du principe « les patriotes gouvernent Hong Kong ». Elle remet au centre des institutions le Comité électoral qui est chargé (depuis 1997) de choisir le Chef de l’exécutif. Précédemment composé de 1 200 personnes (4 collèges de 300 personnes) représentant essentiellement les intérêts d’affaires et pro-Pékin, la réforme augmente leur nombre à 1 500 en leur ajoutant un collège de 300 représentants du gouvernement central à Hong Kong. Selon la séquence prévue par l’ANP, une fois ce comité renouvelé en septembre 2021, il devait jouer un rôle nouveau dans l’élection du nouveau Conseil législatif en décembre 2021, puis du Chef de l’exécutif en mars 2022.
Le LegCo se composait précédemment de 35 sièges élus au suffrage universel direct, à la proportionnelle intégrale par liste dans 5 grandes circonscriptions, de 30 sièges représentant des collèges socio-professionnels, et de 5 sièges élus au suffrage universel sur une liste unique dans le territoire entier (« super-sièges »), les candidats étant issus des conseils de districts, élus au suffrage universel direct (par scrutin majoritaire). La réforme de 2021 a réduit le nombre de sièges élus dans les circonscriptions de 35 à 20, les 30 sièges représentant les collèges socio-professionnels ont été maintenus, et les 5 « super-sièges » abolis. Ont été ajoutés 40 représentants choisis par le Comité électoral.
De plus, la réforme a profondément transformé les modalités des élections, en imposant un double mécanisme de filtrage de tous candidats aux législatives (y compris dans les circonscriptions géographiques) : ils doivent être d’abord parrainés par au moins un membre de chacun des cinq collèges du Comité électoral (y compris donc par un membre du collège des représentants des autorités centrales), et ensuite leur candidature doit être agréée par un conseil d’agrément des candidatures (Candidate Eligibility Review Committee) dont les cinq membres sont nommés par la Chef de l’exécutif, pour veiller notamment aux questions de sécurité nationale. Enfin, la loi fait de l’incitation à l’abstention ou au vote blanc un délit passible de prison.
En résumé, cette réforme a pour effet non seulement de réduire la part d’élus au suffrage direct à moins d’un quart (20 sur 90), contre 30 % (18 sur 60) au tout début de l’évolution en 1991, mais aussi d’imposer des restrictions significatives au droit des citoyens à candidater aux élections, garanti dans les textes internationaux qui s’appliquent à Hong Kong. Par conséquent, personne n’a été surpris que le taux de participation effectif tombe à son plus bas niveau (30,2 %) jamais enregistré (précédemment 39 % en 1991).
Le camp pro-démocratie, dont presque tous les représentants les plus connus sont en prison, a choisi de ne pas participer aux élections, tout en permettant à des candidats individuels de se présenter. Une poignée de candidats démocrates de second plan, encouragés par Pékin qui souhaitait présenter l’élection comme plurielle (étincelant de « dix lumières et cinq couleurs » comme l’a dit un responsable, Xia Baolong), ont été autorisés à concourir, dont un seul a été élu (dans le collège socio-professionnel de l’assistance sociale).
Les commentateurs ont généralement souligné l’importance croissante prise dans la nouvelle assemblée par les représentants des intérêts de la Chine continentale à Hong Kong (entreprises d’État ou organisations de masse chinoises), par des technocrates proches du pouvoir hongkongais (universitaires ou membres de fondations pro-Pékin), ainsi que par l’establishment politique et la communauté d’affaires locales. Une bonne moitié de l’électorat qui votait pour les démocrates (57 % avec 71 % de participation aux élections de district de novembre 2019) en revanche, n’a plus de représentants.
Des revendications démocratiques longtemps entravées
Pour autant, il convient de replacer ces élections dans une histoire plus longue. Pékin a publié, le lendemain des élections, un Livre blanc intitulé « Le développement démocratique à Hong Kong dans le cadre d’un pays deux systèmes ». Y sont exposées des thèses souvent répétées au fil des années, soulignant à juste titre que Londres a entravé la mise en place d’institutions démocratiques locales pendant presque toute la durée de l’administration coloniale de Hong Kong (1842-1997), que c’est seulement à l’approche de la rétrocession que Londres a organisé des élections afin de « créer des problèmes » pour Pékin, et qu’après 1997 des institutions démocratiques ont été mises en place qui répondent aux besoins spécifiques du territoire, sans pour autant transposer un modèle occidental qui ne conviendrait pas.
Il est incontestable que, sous l’administration britannique, les aspirations démocratiques, toujours présentes dans la société hongkongaise, se sont toujours heurtées à de puissantes coalitions d’intérêts. Le Conseil législatif et son pendant, le Conseil exécutif, tous deux créés dès l’établissement de la Colonie (Hong Kong Letters Patent de 1843), ont été pendant des décennies des organes consultatifs de composition très restreinte et présidés par un gouverneur tout-puissant nommé par la Couronne. Si des représentants de la communauté chinoise y ont été intégrés (au LegCo à partir de 1888, à l’ExCo à partir de 1926), c’est toujours par simple cooptation. Les premières revendications visant à instaurer des sièges élus au LegCo (pour la communauté d’affaires britannique) datent pourtant des années 1890.
Il y a eu un projet majeur de démocratisation de la colonie, le Plan Young, du nom du gouverneur de Hong Kong avant et après l’occupation japonaise (1941-1945). Sous l’impulsion du gouvernement travailliste à Londres, il proposa en 1946 un ambitieux projet de création d’un Conseil municipal élu pour favoriser un sentiment d’appartenance au territoire, dans le contexte chaotique et difficile de la Guerre civile chinoise qui fait affluer des centaines de milliers de réfugiés à Hong Kong.
Ce projet, soutenu par des groupes progressistes de résidents britanniques (le Reform Club) et chinois (la Civic Association, proche du Parti communiste avant sa prise de pouvoir en 1949), s’est heurté aux élites locales (notamment les membres chinois nommés du LegCo et de l’ExCo), toujours hostiles au suffrage universel, ainsi qu’aux diplomates du Foreign Office. Le successeur de Mark Young, Alexander Grantham, qui craignait de voir la guerre civile chinoise s’inviter au Conseil municipal de Hong Kong, enterra le projet d’autant plus facilement que l’établissement de la République populaire et le début de la Guerre de Corée suscitèrent de nouvelles craintes géopolitiques à Londres. À la place, il proposa de faire élire, à un suffrage fortement censitaire, deux membres du Conseil urbain (UrbCo) qui conseillait le gouverneur sur les questions liées à l’administration urbaine (travaux, ordures, santé publique) et qui avait déjà eu quelques membres élus avant la guerre.
Pour autant, Pékin a dès cette époque joué un rôle dans la coalition opposée aux réformes démocratiques. Une fois que les autorités de la République populaire de Chine nouvellement créée eurent pris position sur la question de Hong Kong, elles sont intervenues à plusieurs reprises pour signifier aux autorités britanniques que Pékin n’accepterait aucune démocratisation politique pouvant conduire à une possible autonomisation du territoire. Des documents d’archive datant de 1958 et 1960 attestent des interventions de Zhou Enlai mettant en garde les Britanniques contre la tentation de suivre le chemin de la décolonisation pris par la Malaisie et par Singapour.
Après les violentes émeutes pro-chinoises de 1967, le gouvernement colonial a, une fois de plus, cherché à renforcer les liens entre la population locale et le territoire. Mais plutôt que l’extension des élections, l’administration privilégie alors « l’absorption administrative de la politique » : les mécanismes consultatifs se développent en s’appuyant sur les corps intermédiaires et l’essor de la société civile qui accompagne la prospérité croissante de Hong Kong.
Un corps de fonctionnaires bien formés et efficaces, recrutés parmi la population locale, s’efforce d’être attentif aux besoins de cette dernière. Ce mode de gouvernement consultatif finit par assez bien incorporer l’opinion publique et les années 1970 sont parfois décrites comme l’âge d’or de Hong Kong.
Rétrocession et démocratisation
C’est au début des années 1980 que se nouent les fils de la revendication démocratique, où deux mouvements confluent. Dans le contexte de la fin de la Révolution culturelle en Chine, de la décolonisation et des mouvements étudiants des années 1970, se développe à Hong Kong l’idée de « réunification démocratique », selon laquelle Hong Kong pourrait se décoloniser en revenant sous souveraineté chinoise, tout en poussant la Chine vers la démocratie (cet espoir s’éteint certes en 1989 avec l’écrasement du mouvement démocratique de la place Tiananmen).
Lorsque commencent les négociations sino-britanniques en 1982, Margaret Thatcher propose de reconnaître la souveraineté chinoise sur l’ensemble du territoire de Hong Kong en échange d’une prolongation de l’administration britannique, formule que Deng Xiaoping refuse catégoriquement. L’idée sur laquelle s’accordent finalement les deux parties « les Hongkongais gouvernent Hong Kong » n’a pourtant pas la même signification pour chacune. Pour les Britanniques, il s’agit d’introduire un mécanisme de responsabilité des futurs gouvernants envers la population locale. Pour Pékin, il s’agit plutôt de choisir, parmi les Hongkongais, les « patriotes » (comme le précise Deng Xiaoping dès 1984) capables de travailler en bonne entente avec Pékin.
Pour autant, même pour les négociateurs britanniques, l’introduction d’élections n’a pas de valeur intrinsèque, c’est plutôt une manière de garantir que les Hongkongais pourront continuer d’être gouvernés comme précédemment, à défaut de pouvoir prolonger l’administration coloniale. Pékin et Londres sont ainsi d’accord pour exclure tout mécanisme de consultation populaire pour valider les textes régissant la rétrocession.
Le politologue Ian Scott, par exemple, estime que, en excluant l’argument de la souveraineté populaire, les Britanniques se sont privés d’un argument décisif dans la négociation. La déclaration conjointe de 1984, un traité international entre le Royaume-Uni et la Chine, est soumise à un exercice de « consultation » à Hong Kong (la population est invitée à envoyer ses remarques à une autorité indépendante, présidée par un diplomate britannique retraité et un juge hongkongais), et à un débat sans vote au LegCo, qui ne comporte aucun membre élu.
La Loi fondamentale, un texte de droit chinois, promulgué par l’ANP en 1990, est adopté par un comité de membres choisis entièrement par Pékin, où siègent des responsables politiques chinois, des « patriotes » hongkongais et deux personnalités démocrates, l’avocat Martin Lee et Szeto Wah, issu du syndicalisme enseignant. Les appels des quelques membres pro-démocrates à soumettre le projet à un référendum local se heurtent à un refus, appuyé également par les Britanniques.
Au cours des discussions, les autorités chinoises, soutenues par les élites locales, s’opposent avec ténacité à l’introduction d’éléments démocratiques dans la Loi fondamentale. Par exemple, alors que les Britanniques avaient réussi à faire inscrire dans les annexes de la Déclaration conjointe que le futur Chef de l’exécutif serait « responsable » (accountable) devant le LegCo, cette disposition, après d’âpres débats, n’est pas retenue, et la Loi fondamentale dispose simplement que le Chef de l’exécutif sera « responsable devant le gouvernement populaire central et la Région autonome spéciale de Hong Kong » (art. 43).
L’élection du conseil législatif au suffrage universel est définie comme « l’objectif ultime », mais selon un calendrier incertain et en tout cas lointain. Pour le Chef de l’exécutif, une formule encore plus ambiguë est retenue : la personne sera à terme choisie « par des élections ou consultations locales » puis nommée par le gouvernement central, disposition qui a toujours été comprise comme un agrément substantiel et non formel (Pékin se réserve le droit de refuser la personne sélectionnée et, par conséquent, d’éliminer préventivement certains candidats afin d’éviter une crise constitutionnelle résultant du choix d’une personne non acceptable pour Pékin). Le projet de loi proposé par Pékin en 2014 pour satisfaire à cette disposition en mettant en place l’élection du chef de l’exécutif au suffrage universel, mais avec un filtrage strict des candidatures a provoqué, plus tard, le mouvement des parapluies.
Après la signature de la Déclaration conjointe, les Britanniques ont cherché à augmenter la part des sièges élus au LegCo. En 1985, pour la première fois, 12 membres sont élus au suffrage indirect par collèges socio-professionnels. Les élites locales continuent à freiner autant qu’elles le peuvent cette évolution. Pékin estime que les dispositions de la Déclaration conjointe visant à assurer « 50 ans sans changement » après la rétrocession se rapporte à l’état de 1984 et interdisent aux Britanniques de bouleverser l’organisation du territoire entre 1984 et 1997. Après le choc provoqué par la répression du mouvement de la place Tiananmen, une nouvelle avancée est obtenue en 1991, avec les premières élections au suffrage universel direct de 18 membres sur 60 au LegCo.
Chris Patten, le dernier gouverneur (1992-1997), un homme politique plus influent à Londres que ses prédécesseurs, et désireux de tenir tête à Pékin au grand dam du Foreign Office, accélère encore le processus lors des élections de 1995, une décision non-reconnue par Pékin qui dissout ce Conseil lors de la rétrocession, afin de revenir au statut quo ante en 1998.
Pour autant, le LegCo continue à jouer son rôle de chambre d’écho de la société après la rétrocession, et le nombre de sièges élus continue à augmenter, jusqu’à atteindre 40 sur 70 après un compromis entre les démocrates et Pékin, conclu en 2010 en vue des élections de 2012. Pendant le quart de siècle qui s’est écoulé depuis la rétrocession, la revendication du « double suffrage universel » (chef de l’exécutif et LegCo) est devenue le cœur du programme des partis démocrates et a joué un rôle central dans les mobilisations de 2014 et 2019.
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Aujourd’hui, c’est donc la séquence historique inaugurée en 1991 qui se conclut. Il reste certes un petit contingent des sièges élus au LegCo ; cependant, les candidatures sont soumises à un tel filtrage qu’il n’a pas été possible d’obtenir, même parmi ces 20 sièges, une représentation plurielle des opinions.
Au cours de l’histoire, l’évolution démocratique de Hong Kong a de manière répétée été entravée par des coalitions d’intérêts à géométrie variable, comprenant tour à tour les autorités coloniales, les élites locales, la communauté d’affaires, et les différents gouvernements chinois. Face à l’actuelle coalition très solide, il semble improbable que la dynamique actuelle se renverse à court terme.
Néanmoins, comme l’a confirmé le Livre blanc, Pékin a l’intention de continuer à organiser des élections à Hong Kong. On ne peut donc pas exclure qu’elles présentent quelques opportunités imprévues d’avancer la cause démocratique, à la manière peut-être des élections locales à Taiwan sous la dictature. Celles-ci ont permis de consolider une opposition extra-parlementaire qui a fini par devenir le grand parti d’opposition, aujourd’hui au pouvoir. Pour autant, une telle évolution relèverait déjà d’un autre cycle politique ; celui d’une démocratisation progressive par les institutions prévues dans les accords sino-britanniques arrive sans doute à sa fin.