Mali : de la ruralisation du djihad à la djihadisation de la question agraire
Le 3 décembre 2021, un groupe djihadiste a arrêté un bus qui se rendait au marché de Bandiagara, dans le centre du Mali. Après avoir exécuté le conducteur, ils ont brûlé vives les 33 personnes (hommes, femmes, enfants) qui se trouvaient à l’intérieur du véhicule.
Cet acte violent et atroce n’a été revendiqué par aucun des groupes djihadistes opérant dans cette région : l’intérêt de ces groupes est surtout de rappeler constamment à la population civile l’inefficacité, l’insuffisance, voire l’impuissance ou l’inutilité des forces armées maliennes et des forces militaires internationales et régionales – Minusma, Barkhane, G5-Sahel – déployées dans cette partie du pays, où se déroulent les épisodes les plus violents de cette décennie de guerre au Mali (les massacres de Koulongo le 1er janvier 2019, Ogossagou en mars 2019 puis en février 2020, et Sobane-da en juin 2019 ; ces localités se trouvent dans le Pays d’Ogon, région de Mopti).

L’observation des modes d’action des groupes armés, djihadistes ou groupes d’autodéfense, et de leur emprise sur les populations rurales du centre du Mali tend à confirmer la mise en place progressive d’un ordre socio-politique local qui tire sa légitimité de sa capacité à produire de la violence. Une violence utilisée pour protéger ceux qui la reconnaissent comme une source légitime d’autorité et pour détruire ceux qui s’opposent à l’ordre sociopolitique qu’elle entend instituer.
Pourtant, le coup d’État militaire d’août 2020 qui a mis fin au régime de l’ancien président Ibrahim Boubacar Keita a été salué par la population du centre du Mali. Beaucoup voyaient dans l’arrivée des militaires au pouvoir le signal d’un engagement plus fort dans la lutte contre le terrorisme et une attention particulière pour les régions de Mopti et Ségou qui forment depuis quelques années, le cœur de l’essentiel des actes terroristes dans le pays.
Pour la population rurale, qui est menacée et attaquée quotidiennement par les groupes armés djihadist