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Que vaut un capital médiatique dans une campagne présidentielle ?

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La figure du candidat médiatique employée pour désigner Éric Zemmour n’est pas si nouvelle. Les tentatives de conversion électorale d’une large notoriété acquise hors du jeu politique professionnel, et valorisée dans une compétition présidentielle personnalisée et arbitrée par les éditorialistes et les sondages d’opinion, sont assez récurrentes sous la Ve République. L’occasion d’analyser comment et à quelles conditions le capital médiatique peut être agissant en politique.

La figure du candidat médiatique employée pour désigner Éric Zemmour n’est pas si nouvelle. Les tentatives de conversion électorale d’une large notoriété acquise hors du jeu politique professionnel, et valorisée dans une compétition présidentielle personnalisée et arbitrée par les éditorialistes et les sondages d’opinion, sont assez récurrentes sous la Ve République. L’occasion d’analyser comment et à quelles conditions le capital médiatique peut être agissant en politique.

À quelques mois de l’élection présidentielle, une singulière candidature trouble le jeu politique habituel, enfreint l’entre-soi et la langue de bois des professionnels de la politique. Ce visage s’étale à la Une des hebdomadaires et en grand format sur les kiosques à journaux. Dans la presse, à la radio, tout le monde ne parle plus que de ça. Journalistes et candidats commentent ses prises de parole. On guette ses annonces, ses présences sur les réseaux sociaux, si bien que toute la campagne semble rythmée par ses déclarations.

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Son talent personnel, son sens du placement politique ou ses qualités oratoires, pour ne pas dire son charisme, deviennent une réalité indiscutable, dont ses nombreuses apparitions médiatiques sont la preuve indiscutable. Ils semblent même compenser la faiblesse de son ancrage partisan et son absence des postes de premier plan dans les derniers gouvernements. Les courbes d’intentions de vote s’affolent. Absente des enquêtes il y a encore quelques semaines encore, cette candidature est désormais promise à une présence au second tour. Elle promet de rebattre les cartes. La suite de la campagne semble soudainement devenue incertaine. Pour tout le monde, c’est la candidature des médias.

Ce candidat « médiatique » pourrait être Éric Zemmour, désormais candidat à l’élection présidentielle de 2022. Ce portrait pourrait tout aussi bien convenir à la candidature de « Monsieur X », que l’hebdomadaire L’Express, après avoir vanté ses compétences économiques et politiques,


[1] « Defferre est-il Monsieur X ? », L’Express, 24 octobre 1963, p. 12

[2] Patrick Champagne, Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique, Minuit, 1990.

[3] Pierre Leroux et Philippe Riutort, « Accumuler du capital médiatique en un temps record : Emmanuel Macron, ministre de l’Économie (août 2014-août 2016) » dans Clément Desrumaux, Jérémie Nollet (dir.), Un capital médiatique ? Usages et légitimation de la médiatisation en politique, Presses universitaires de Rennes, 2021

[4] Aïcha Bourad, « La candidature présidentielle de José Bové, retour sur les conditions structurelles et conjoncturelles d’une félicité médiatique », dans Clément Desrumaux, Jérémie Nollet (dir.), Un capital médiatique ? Usages et légitimation de la médiatisation en politique, Presses universitaires de Rennes, 2021

[5] Aeron Davis et Emily Seymour. « La production des formes de capital médiatique interne et externe. L’étrange cas de David Cameron au sein du champ politique britannique », Réseaux, vol. 187, no. 5, 2014, pp. 107-133.

[6] Pierre Leroux, Philippe Teillet, « Second marché médiatique et carrière politique. L’exemple de Roselyne Bachelot », dans : Antonin Cohen (éd.), Les formes de l’activité politique. Éléments d’analyse sociologique (XVIIIe-XXe siècle), Presses Universitaires de France, 2006, p. 439-456.

Clément Desrumaux

Politiste, Maître de conférences à l'Université de Lyon-2

Jérémie Nollet

Politiste, Maître de conférences à Science Po Toulouse

Notes

[1] « Defferre est-il Monsieur X ? », L’Express, 24 octobre 1963, p. 12

[2] Patrick Champagne, Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique, Minuit, 1990.

[3] Pierre Leroux et Philippe Riutort, « Accumuler du capital médiatique en un temps record : Emmanuel Macron, ministre de l’Économie (août 2014-août 2016) » dans Clément Desrumaux, Jérémie Nollet (dir.), Un capital médiatique ? Usages et légitimation de la médiatisation en politique, Presses universitaires de Rennes, 2021

[4] Aïcha Bourad, « La candidature présidentielle de José Bové, retour sur les conditions structurelles et conjoncturelles d’une félicité médiatique », dans Clément Desrumaux, Jérémie Nollet (dir.), Un capital médiatique ? Usages et légitimation de la médiatisation en politique, Presses universitaires de Rennes, 2021

[5] Aeron Davis et Emily Seymour. « La production des formes de capital médiatique interne et externe. L’étrange cas de David Cameron au sein du champ politique britannique », Réseaux, vol. 187, no. 5, 2014, pp. 107-133.

[6] Pierre Leroux, Philippe Teillet, « Second marché médiatique et carrière politique. L’exemple de Roselyne Bachelot », dans : Antonin Cohen (éd.), Les formes de l’activité politique. Éléments d’analyse sociologique (XVIIIe-XXe siècle), Presses Universitaires de France, 2006, p. 439-456.