En finir avec le mythe des « deux Ukraines »
Le 24 février au matin, Vladimir Poutine a annoncé le début d’une « opération spéciale » visant à « démilitariser et dénazifier l’Ukraine », dans le but de « protéger le peuple sujet de l’agression et du génocide perpétrés par le régime de Kiev depuis huit ans ». Si l’opposition à l’extension de l’OTAN vers l’Est est un facteur important, c’est bien la « libération » du peuple ukrainien d’un pouvoir brutal et illégitime, argument central du discours politico-médiatique russe depuis la révolution de Maïdan[1], qui est mise en avant.
Après deux semaines d’intenses combats, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions de cette guerre sur le plan militaire. Néanmoins, il semble que l’offensive russe se heurte à une résistance, non seulement de l’armée ukrainienne – bien équipée par ses alliés – mais aussi de la population. Même si elles ne disent pas l’ampleur de ce phénomène, de nombreuses images d’Ukrainiens insultant des soldats russes, tentant d’arrêter des colonnes de chars ou faisant la queue aux bureaux de recrutement militaire pour recevoir des armes ont circulé sur les réseaux sociaux et dans les médias.

Les autorités russes avaient-elles anticipé cette réaction ? On peut raisonnablement penser qu’elles s’attendaient à moins d’opposition, surtout dans les régions orientales, comme à Kharkiv, deuxième ville du pays, où l’armée russe ne parvient pas à établir son contrôle. Les populations russes et russophones de l’Est du pays sont en effet fréquemment dépeintes, non seulement à Moscou mais aussi par bon nombre de médias occidentaux, comme attachées à la Russie et peu enclines à se battre pour la défense de la souveraineté de leur État.
Or, cette analyse se base sur une vision englobante et fixiste des identités politiques en Ukraine, et notamment de celles des Ukrainiens résidant dans les régions orientales et méridionales du pays.
Une observation fine des dynamiques internes à l’Ukraine depuis l’indépendance montre à l’inverse que cette fraction