Extraire les victimes de violences du marbre de leur trauma : retour sur le procès des attentats du 13-Novembre
Nous entretenons avec nos concitoyens victimes de violences un rapport assez pervers. Nous ignorons la plupart de celles et ceux qui ont été victimes de violences (violences que nous ne voyons pas toujours comme telles). Nous en redécouvrons certains – les enfants maltraités, à partir des années 1960[1], les femmes battues par leurs conjoints ou agressées sexuellement, ensuite, et plus récemment nos concitoyens racisés victimes de violences policières –, pour en oublier d’autres – les migrants, s’ils ne sont pas ukrainiens ou naufragés…
Et à celles et ceux auxquels nous accordons toute notre attention, nous imposons de strictes conditions. C’est à cette conclusion que m’ont amenée plusieurs enquêtes de sciences sociales conduites sur deux fronts : les après-violences civiles de masse dans des pays lointains d’Afrique et d’Amérique latine, d’une part, le traitement judiciaire des attentats terroristes en France, d’autre part.

Une troisième enquête portant sur la justice restaurative en France a redoublé cet étonnement : des propositions similaires sont faites aux victimes d’actes criminels ordinaires – en particulier les victimes de violences sexuelles[2]. Sur le terrain des violences politiques de masse comme sur celui des violences intimes, dans un cadre familial ou de voisinage, ce sont les mêmes habits de victimes éplorées que nous leur proposons d’endosser, en les incitant à mettre l’accent sur leurs trajectoires psychologiques.
Des victimes en vitrine
La justice pénale française, à l’instar des institutions de la justice dite « transitionnelle » – développées depuis les années 1980 après une répression dictatoriale ou une guerre civile –, s’efforce de faire une place grandissante aux victimes de violences. Celles-ci ne sont plus considérées comme de simples témoins supposés fournir des précisions sur les faits, ni seulement comme des bénéficiaires de réparations administratives plus ou moins bien proportionnées. On évoque publiquement leurs noms et le