Écologie

Du musée vert à la forêt comme forme de vie

Socio-anthropologue

Depuis quelques années, la forêt fait l’objet d’un fort engouement de la part des sciences humaines et sociales. Elle devient une entité qui innerve, irrigue tous les pores du social, du sujet, des corps et du collectif. Ce basculement de régime se traduit par une forme de vitalisme qui dépasse le darwinisme et signe la fin de la prééminence du seul point de vue humain : les espèces tant végétales qu’animales ont désormais une histoire et participent à l’histoire.

Une des caractéristiques de notre époque est l’engouement pour tout ce qui se présente comme nature et notamment la forêt. Philosophes, sociologues, il y a peu encore, se détournaient de la nature considérant qu’elle ne faisait pas partie de leur champ d’exploration ou du moins qu’elle n’avait pas d’existence en dehors de la pensée humaine. Comment expliquer ce changement de regard ? Ne sommes-nous pas en train de vivre une évolution rapide et partagée de la conception de la relation de l’homme à la nature dont la forêt et l’arbre, avatar de la nature, seraient le réceptacle ?

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La crise environnementale a pour conséquence de remettre en cause la modernité dont le statut et la légitimité sont questionnés de même que la place du sujet à son endroit. L’anthropocène incline à l’obligation de réflexivité sur les conséquences de nos actes et les modes d’existence responsables de la détérioration de l’environnement et en particulier de la biodiversité. Les significations et les figures de la nature sont instables et variables, elles dépendent des cosmologies et de la manière dont nous faisons monde comme l’ont bien démontré les anthropologues et principalement Philippe Descola.

La fin du régime de la modernité

Dans le régime de la modernité, la nature et la société, le sujet et l’objet sont pensés comme des entités séparées, extérieures et en opposition. « Comme maître et possesseur de la nature » selon l’adage célèbre de Descartes, l’humain se doit de régenter la nature et de la conformer à ses besoins et à son ordre sociétal : le sauvage n’y a pas de place, il n’existe que comme fantasme, simulacre ou artefact.

Un exemple typique est celui de la forêt de Fontainebleau dont j’ai montré dans Le Musée Vert (1993) qu’elle représente l’idéal type de la forêt sauvage pour les Parisiens. La nature n’est en effet jamais naturelle, elle est le fruit d’un travail sémiotique qui la dote de qualités propres et qui en font un objet de nature. Dans le cas de Fontainebleau, la


Bernard Kalaora

Socio-anthropologue, Chercheur à l'IIAC (CNRS, EHESS), ancien président de l’association LITTOCEAN