Écologie

La châtaigne et la Corse ­– sur les enjeux cruciaux de l’indépendance alimentaire

Philosophe

Les châtaigneraies de Corse sont emblématiques d’un mode de vie à la fois écologique et démocratique : elles importent non comme attraction touristique, symbole, emblème, « produit identitaire » mais comme nourriture des Corses, par les Corses et pour les Corses. Et au-delà de cette autonomie alimentaire, les Corses ont aussi gagné, grâce à leurs châtaignes, la chance de jouir de loisirs, de se cultiver et de voyager.

Que serait la Corse sans les châtaignes ? Une pure et simple colonie. Au-delà de la Corse choisie ici comme exemple, les châtaigneraies sont emblématiques d’un mode de vie à la fois écologique et démocratique. Elles importent non comme attraction touristique, symbole, emblème, « produit identitaire », mais comme nourriture des Corses, par les Corses et pour les Corses. Pas de châtaigne, pas d’indépendance. Voilà le sujet du tableau volontairement idéalisé que présente ce petit texte.

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Son ambition n’est pas de décrire les faits avec exactitude mais d’extraire de lectures, discussions et situations vécues, un enseignement sur la sagesse de ceux qui associèrent les châtaigniers aux formes les plus variées de leur culture commune et en firent un véritable enjeu politique. D’en extraire aussi, plus largement, un propos sur l’urgence à penser la décolonisation de la nourriture humaine dont le rôle en démocratie a été dramatiquement sous-estimé.

La place de la châtaigne est si importante qu’on a pu parler au sujet de la Corse d’une véritable civilisation de la châtaigne. Pendant des siècles, et jusque dans les années 1950, on en a mangé dans certaines régions à tous les repas, sous forme de bouillie, de pain, de crêpes ou de galettes. C’est toute une région du Nord qui porte son nom : la Castagniccia. La culture des châtaignes a décliné durant quelques décennies. Mais depuis les années 1980, on leur a procuré un nouveau passeport, appelé AOC puis AOP, vers le monde moderne.

La revalorisation des filières castanéicoles a été l’un des fleurons du renouveau culturel corse, u riacquistu. À condition d’en faire autre chose qu’un marché, à condition notamment de les vouer à l’autonomie alimentaire qu’elles ont assurée durant des siècles et, de là, à l’autonomie tout court, le futur qui s’ouvre devant les châtaignes en termes de produits, foires, épicerie, marchés, etc., est vaste. Bien qu’elles soient encore insuffisamment considérées, leurs vertus passées sont des pro


[1] Marquis de Puismarais et Jean Lorrain (1754), cités par Bruneton-Governatori Ariane. Alimentation et idéologie : le cas de la châtaigne. In: Annales. Économies, sociétés, civilisations. 39e année, N. 6, 1984. pp. 1161-1189

[2] Blin, H. 1904 Manuel pratique de la culture, de l’exploitation et des utilisations du châtaignier, contenant : étude botanique, industrie forestière et chimique. Paris : L. Mulo, p. 6 ; cité par Lucie Dupré, « Faire lutte de tout arbre », Techniques & Culture [En ligne], Suppléments au n°74, 2020.

[3] Cité par Bruneton-Governatori Ariane, op. cit.

[4] Jean Michel-Sorba ajoute : « La propriété arboraire fréquemment appliquée au châtaignier, sans nécessité d’une propriété foncière, conforte la possibilité d’une égalité de genre… »

[5] Alexandre Moreau de Jonnès (1778-1870), haut fonctionnaire, patron de la Statistique générale, 1848. Cité par Paul Ariès, Une histoire politique de l’alimentation, du paléolithique à nos jours, Éditions Max Milo, collection Essais-documents, 2016,

[6] Philippe Pesteil, « Considérations diététiques et identitaires autour d’un produit traditionnel : la farine de châtaigne en Corse », Anthropology of food [Online], Issue 0 | April 2001,

[7] Ariane Bruneton-Governatori, op. cit, p. 9

[8] Jean-Baptiste Lavialle, 1906 : 34. Cité par Lucie Dupré, « Faire lutte de tout arbre », Techniques & Culture [En ligne], Suppléments aux numéros, mis en ligne le 23 novembre 2020

[9] Ibid.

[10] Ariane Bruneton-Governatori, Le pain de bois, Ethnohistoire de la châtaigne et du châtaignier, Toulouse, Eché, 1984.

Joëlle Zask

Philosophe, Professeure de philosophie politique à l'université d'Aix-Marseille

Notes

[1] Marquis de Puismarais et Jean Lorrain (1754), cités par Bruneton-Governatori Ariane. Alimentation et idéologie : le cas de la châtaigne. In: Annales. Économies, sociétés, civilisations. 39e année, N. 6, 1984. pp. 1161-1189

[2] Blin, H. 1904 Manuel pratique de la culture, de l’exploitation et des utilisations du châtaignier, contenant : étude botanique, industrie forestière et chimique. Paris : L. Mulo, p. 6 ; cité par Lucie Dupré, « Faire lutte de tout arbre », Techniques & Culture [En ligne], Suppléments au n°74, 2020.

[3] Cité par Bruneton-Governatori Ariane, op. cit.

[4] Jean Michel-Sorba ajoute : « La propriété arboraire fréquemment appliquée au châtaignier, sans nécessité d’une propriété foncière, conforte la possibilité d’une égalité de genre… »

[5] Alexandre Moreau de Jonnès (1778-1870), haut fonctionnaire, patron de la Statistique générale, 1848. Cité par Paul Ariès, Une histoire politique de l’alimentation, du paléolithique à nos jours, Éditions Max Milo, collection Essais-documents, 2016,

[6] Philippe Pesteil, « Considérations diététiques et identitaires autour d’un produit traditionnel : la farine de châtaigne en Corse », Anthropology of food [Online], Issue 0 | April 2001,

[7] Ariane Bruneton-Governatori, op. cit, p. 9

[8] Jean-Baptiste Lavialle, 1906 : 34. Cité par Lucie Dupré, « Faire lutte de tout arbre », Techniques & Culture [En ligne], Suppléments aux numéros, mis en ligne le 23 novembre 2020

[9] Ibid.

[10] Ariane Bruneton-Governatori, Le pain de bois, Ethnohistoire de la châtaigne et du châtaignier, Toulouse, Eché, 1984.