Les Hazaras, face cachée du Janus afghan
La présente analyse prend comme point de départ l’énigme qui entoure la « question hazara » en Afghanistan. En effet, les Hazaras, groupe de la société afghane, sont depuis plus de cent ans l’objet d’oppressions et de persécutions, mais représentent également une force motrice essentielle de la société civile en perpétuelle (re)construction. Sous les deux régimes Taliban, le premier (1996-2001) comme le « 2.0 » (arrivé au pouvoir en août 2021), les Hazaras apparaissent très clairement exposés à des exactions, qu’il s’agisse d’attentats-suicides visant écoles, lieux de cultes ou hôpitaux[1], d’exécutions sommaires[2] ou encore d’expropriations forcées[3].

Parmi ces attaques, certaines ont été revendiquées par les Talibans, d’autres par la fraction khorassanienne de l’organisation État islamique. Une part non négligeable enfin n’a pas été revendiquée, témoignant quoi qu’il en soit d’une nonchalance du pouvoir en place, c’est-à-dire de régimes de traitement différentiels de différents groupes de la population afghane – ce, malgré les promesses faites par les Talibans lors des négociations de Doha. Or, le terme de génocide a été utilisé de manière croissante par la communauté hazara elle-même et par des ONG spécialisées reconnues pour leur expertise et pour leur statut d’observateur à long terme de la situation afghane (Genocide Watch et le United States Holocaust Memorial Museum notamment)[4].
L’évaluation la plus exhaustive en date de la situation, au regard des définitions juridiques du génocide, est le « Hazara Inquiry », une enquête publiée le 3 septembre 2022, menée par une commission mixte composée de représentants de la Chambre des Lords et de la Chambre des Communes. La résolution d’étudier plus en profondeur la situation des Hazaras fut motivée par les alertes lancées par Amnesty International, le United States Holocaust Memorial Museum et Genocide Watch, qui avaient déjà donné lieu à la rédaction d’un rapport par le Select Committee on International